Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habitent, et ces races elles-mêmes se subdivisent. Elles ont toutes indistinctement conservé leur caractère propre avec leur nationalité respective, gardant chacune son clergé, qui dans la servitude, en a été la constante représentation : pour la plupart d’entre elles, le patriarche en était le chef officiel auprès de la Porte. Grecs, Serbes, Bulgares, sans compter les Monténégrins et les Roumains, se sont, par la nécessité des temps, juxtaposés sur plusieurs points ; ils ne se sont jamais confondus. La domination turque les a réunis dans un même sentiment, celui de la délivrance ; avec une égale ardeur et une entière unanimité, ils ont imploré l’assistance de la Russie en lui promettant un dévouement éternel ; dès que l’affranchissement est venu pour les uns, dès qu’il a paru prochain pour les autres, ces races se sont divisées ; elles étaient alliées, elles sont devenues ennemies, chacune revendiquant la suprématie sur les autres. Les groupes qui ont été libérés, grâce surtout aux sacrifices que la Russie s’est imposés, n’ont plus eu qu’une pensée, celle de renier le bienfaiteur et ses bienfaits ; ils s’en sont éloignés ouvertement, témoin la Bulgarie qui lui doit tout, la liberté et l’autonomie de son Eglise qui a longtemps relevé du patriarcat grec de Constantinople. Quiconque s’est livré à des études ethnographiques sait que, si l’élément bulgare domine sur le Danube, l’élément grec constitue un groupe prépondérant sur le Bosphore, sur les rives de la Méditerranée et dans l’Archipel ; ils sont mélangés en proportions variables, dans quelques provinces avec les Serbes, plus particulièrement en Macédoine, ambitionnant tous l’héritage du sultan à l’exclusion de leurs voisins d’une autre origine. On a vu les Serbes et les Bulgares en venir aux mains peu après l’émancipation de ces derniers ; c’était le prélude des conflits qui éclateraient dans la presqu’île des Balkans le jour où les Turcs seraient rejetés en Asie ; sans partager le sentiment de certains bons esprits qui pensent qu’en érigeant un État nouveau à Constantinople on s’exposerait à restaurer l’empire byzantin avec toutes ses défaillances et ses querelles, on conçoit que les puissances hésitent et se troublent devant un problème dont la solution pourrait engendrer de nouvelles et de plus graves difficultés.

Des écrivains ingénieux, voués à la recherche d’une solution praticable, ont pensé que l’on pourrait réunir les États, issus, à toutes les époques, du démembrement de la Turquie, en une confédération dont le siège serait fixé à Constantinople. Ce que