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LA RÉPUBLIQUE
ET
LA CRISE DU LIBÉRALISME


I

Si, à un juge sévère lui demandant ce qu’elle a fait depuis vingt ans, la troisième République répondait, comme Sieyès après la Terreur : « J’ai vécu, » — elle n’aurait pas mal dit. Vingt-cinq ans, c’est un beau morceau de vie pour un gouvernement français au XIXe siècle. Pas un seul, depuis la Révolution, n’avait atteint cet âge ; et durer est, en soi, une force et même une manière de vertu.

Oserons-nous dire que ce seul avantage aurait presque suffi pour justifier à leurs propres yeux les auteurs responsables de ce régime? Conservateurs par instinct, monarchistes par tradition, ils ne se rallièrent point à une république de droit divin. Le principe de la légitimité, apanage de la monarchie, hurle de s’accoupler avec le fait républicain : une démocratie peut tout aussi peu prétendre à guérir les maux de la société par la seule vertu magique de ses institutions qu’un président élu à toucher les écrouelles. Ceux qui fondèrent la troisième République obéirent donc avant tout au désir de faire à la France mutilée l’économie d’une révolution. Non seulement la République était en possession, mais ce régime anonyme, impersonnel, si bien adapté au suffrage universel, leur