Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/789

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on n’avait découvert le merveilleux secret de gouverner, non pour tel parti, mais contre tel autre.

C’est le groupe de ralliés, c’est la politique de désarmement, de réparations et de pacifications qui a fait les frais de ce dernier essai de concentration. Sur cette pente, insensiblement, on aurait été fort loin, si la présentation du fameux projet d’impôt global sur les revenus n’était venu fort à point effrayer les intérêts. Le Sénat, gardien vigilant des grands principes, vit clair; il agit résolument comme aux plus mauvais jours; il dut sortir de son calme olympien, et même un peu du cercle normal de ses attributions. Quand il eut déchiré les voiles et mis le doigt sur la plaie, le ministère Bourgeois n’était déjà plus. Il était tombé avec l’espoir de ressusciter à la Chambre ou tout au moins de léguer à ses successeurs un conflit aigu. Ce fut le ministère Méline qui sortit de cette crise. On ne veut point ici faire de politique au jour le jour. On ne s’étendra donc point sur le rôle d’un gouvernement qui compte tant d’hommes dont les talens et les services méritent respect et gratitude, et qui a si intimement associé son existence à la consécration solennelle de la grande alliance sur laquelle la France aime à se reposer avec confiance. Ce serait, toutefois, manquer gravement à la vérité que de prêter à ce cabinet une attitude absolument conforme à la mission qu’il semblait avoir reçue des événemens. Si jamais expérience fut décisive, ce fut assurément celle qui venait de se faire : il était démontré que le système de la concentration, usé jusqu’à la corde, ne pouvait se remettre en vigueur qu’au profit et pour le compte de ces partis avancés à l’endroit desquels le gros de la majorité républicaine ne ressent guère de tendresse. Raison suffisante, semblait-il. pour tenter, dans l’intérêt de la République et de l’ordre social, l’emploi d’une méthode nouvelle. Bien hardi qui oserait dire que cet essai viril n’ait jamais été dans les intentions du gouvernement. Plus hardi encore qui prétendrait qu’il ait été sérieusement fait par lui !

Il y aurait un critérium infaillible de cette bienfaisante innovation. Un ministère résolu à secouer le joug de la concentration aurait le courage d’accepter, de revendiquer hautement le concours de ce personnel suspect des ralliés; il oserait prendre énergiquement en main la cause de la pacification des consciences sur le terrain religieux et scolaire.

Sur le premier point, — sur cette éternelle question des ralliés,