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problème parlementaire. Je sais bien que certains ralliés se donnent parfois l’air de prendre un étrange plaisir à hérisser leur chemin de difficultés. On dirait de gens qui ont peur d’arriver à leur but. Ils se sont décidés un peu bien tard à suivre l’exemple de leurs glorieux aînés, de ces fondateurs de la République, qui avaient bien autant de droit qu’eux à parler au nom des intérêts conservateurs et qui auraient exercé en leur faveur une bien autre influence, s’ils avaient trouvé plus tôt des imitateurs. Mais surtout ils ont le défaut de ne point savoir prendre un parti, s’y tenir, et y persévérer. Ils ne disent pas toujours assez clairement ce qu’ils veulent ; et ils oublient trop souvent que le suffrage universel ne se conquiert point par tant de manèges et de coquetteries.

Ces critiques faites, il faut avouer que les difficultés opposées à l’admission des ralliés attestent un bien étrange état d’esprit. Il semblerait, Dieu me pardonne, qu’il s’agisse ici de religion! Ce ne sont pas des citoyens qui demandent leur place dans la République : ce sont des relaps qui ont l’impudence de réclamer les privilèges des confesseurs. On se croirait au temps de cette fameuse controverse des lapsi qui troubla si profondément l’Eglise d’Afrique au temps de saint Cyprien. De bonne foi, s’imagine-t-on pouvoir acclimater dans la cité ces pratiques exclues même du sanctuaire? Y aura-t-il désormais une orthodoxie, ou mieux, une aristocratie républicaine, une caste fermée à tout ce qui ne pourra faire ses preuves et exhiber ses quartiers de républicanisme? Tout cela prêterait à rire, si tout cela ne trahissait un fanatisme dangereux ou un implacable égoïsme. Etrange façon de tenir les ralliés à distance dans une république qui doit son existence à ces illustres ralliés qui avaient nom Thiers, Rémusat, Dufaure, Perier ! Quarantaine plus étrange encore à infliger aux ralliés dans un pays où la victoire même des républicains est due aux suffrages des électeurs ralliés! Car enfin, par quel miracle la minorité impuissante des Non du plébiscite de 1870 ou des électeurs de gauche de février 1874 se serait-elle transformée en une majorité imposante, si la masse des Oui et des électeurs de droite ne s’était ralliée à la République?

Mais il y a plus. Sans ralliés un gouvernement ne peut vivre; et, seuls, les ralliés lui apportent les forces dont il a besoin. Les partis, — c’est-à-dire les associations d’hommes attachés à tel principe, poursuivant tel idéal, — sont nécessairement fort restreints.