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ou plus heureuse ? La Turquie se trouve-t-elle dans des conditions plus propices au succès désiré ? N’est-elle pas, au contraire, aux prises avec de plus sérieuses difficultés ; et ces difficultés ne sont-elles pas de nature à entraver l’action bienfaisante des puissances, si sincères que puissent être les dispositions témoignées par le sultan et par ses ministres ?

Pour que le bon vouloir des cabinets, comme celui de la Porte, pût donner les effets qu’on en attend, il faudrait, à Constantinople, une main de fer au service d’une intelligence robuste et éclairée ; il faudrait un génie puissant et libre de briser les entraves, de dompter également les passions et le fanatisme, d’éteindre les haines, de réprimer les violences, de contraindre, en un mot, toutes les volontés à rentrer dans l’ordre. Ce génie providentiel peut-il surgir du rang des hommes qui règnent et gouvernent en Turquie ?

Nous oserons, en terminant, émettre une suggestion qu’on jugera peut-être téméraire et même inconsidérée mais qui paraîtra, à beaucoup de bons esprits, croyons-nous, digne d’un examen attentif. Si, comme il est au moins légitime de le prévoir, l’entente des puissances et les efforts de la diplomatie se trouvent déçus, cette fois encore, pourra-t-on s’y résigner et s’abstenir devant ce nouveau mécompte ? Assurément non. Les cabinets ne seront que d’autant plus tenus de recourir à des expédiens d’une autre nature ; les avertissemens étant manifestement insuffisans, des paroles ils seront contraints de passer aux actes, à moins de laisser s’éterniser, jusqu’à l’anéantissement de races entières, une damnable persécution dont elles n’ont déjà que trop souffert. On comprend que nous n’entendons pas proposer une intervention armée de toutes les puissances, une prise de possession de l’empire ottoman par des troupes arrivant de tous les points de l’Europe. Une pareille détermination est, depuis longtemps, jugée impraticable ; il n’est douteux pour personne qu’elle provoquerait, à courte échéance, les plus redoutables complications ; nous en avons donné les raisons, et nous ne nous y arrêterons pas. D’autre part, nous venons de le dire, on ne saurait fonder de bien sérieuses espérances sur les efforts tentés en ce moment à Constantinople pour convertir la Porte à une saine appréciation de ses devoirs, et pour la déterminer à s’en inspirer. Mais ne pourrait-on faire, à l’un et à l’autre des deux expédiens entre lesquels les cabinets ont dû faire un choix, des emprunts qui, réunis et sagement