Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/839

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

justice de la susceptibilité française. Le procédé de Palmerston fut blâmé par la Chambre des lords, et malgré un admirable discours de quatre heures, célèbre dans les annales parlementaires, il ne fut couvert à la Chambre des communes que par une majorité de quarante-six voix. Palmerston comprit qu’il avait excédé la mesure ; il revint sur son premier refus et il substitua l’arrangement conclu à Londres le 18 à celui arraché le 27 à Athènes à la faiblesse des Grecs. A la suite de quoi les relations entre le Président et lui redevinrent d’autant plus confiantes que toute inégalité humiliante en avait été exclue.

Dans cette affaire percent la prédisposition du Prince, dans tout conflit entre l’Angleterre et la Russie, à pencher plutôt vers l’Angleterre ; sa tendance, chaque fois qu’on le lui permettrait, à intervenir dans tout différend européen comme médiateur agissant seul : enfin sa résolution de ne tolérer de qui que ce soit, même d’un allié, la moindre atteinte à l’honneur national.


II

L’évolution nationale, encore obscure, balbutiante, mal assurée dans sa marche, qui commença presque en même temps en Italie et en Allemagne et fit définitivement entrer en scène Cavour et Bismarck, n’attirait pas l’attention des politiques absorbés dans leurs combinaisons ambitieuses, encore moins celle de notre opinion toujours ignorante des réalités étrangères et dont toute la science consiste à croire qu’on nous adore partout. Sa gravité et ses conséquences lointaines n’échappèrent pas à la sagacité en éveil du Président. Sans prendre aucune décision immédiate, il se mit discrètement en mesure d’y intervenir à l’heure propice, lorsqu’il aurait plus de pouvoir et que les événemens s’accentueraient.

Après Novare, le Piémont, accablé par la nécessité de subir une paix écrasante, ressentit un dernier soubresaut des sectes révolutionnaires. Deux défaites ne leur suffisaient pas ; l’honneur était compromis ; à tout prix il fallait le reconquérir par une guerre à outrance soutenue par la nation entière appelée aux armes. Parmi les plus fougueux défenseurs de ce beau dessein se signalait Lanza. C’était aussi lavis des Génois ; ils le manifestèrent en se soulevant. Le brave La Marmora les réduisit promptement sans avoir besoin du secours offert par Louis-Napoléon (avril 1848). Les protestations belliqueuses recommencèrent avec le