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parlement nouveau élu en janvier 1849. Il débuta en choisissant pour président le chef de la révolte génoise, Pareto ; puis, quand le ministère lui demanda de ratifier le traité de Milan qui refoulait le Piémont dans ses limites de 1815 et lui imposait une indemnité de 75 millions, il refusa de le voter jusqu’à ce que le sort des émigrés lombards eût été assuré : ce qui équivalait à une troisième déclaration de guerre. Imaginez la royauté renversée après Novare, le roi faible et mal conseillé : la guerre à outrance commençait, le malheureux Piémont, après une résistance certainement héroïque, n’en eût pas moins été réduit, anéanti pour longtemps, et il n’aurait pas eu la force, en moins de dix ans, d’effacer Novare par San-Martino. Le roi, inspiré par d’Azeglio et La Marmora, n’hésita pas, au risque d’un violent conflit intérieur, à entrer en lutte avec la démence démocratique. Il prononça la dissolution et, par sa vigoureuse proclamation de Moncalieri, mit le pays en demeure de répudier les révolutionnaires et d’accepter un traité inévitable, laissant comprendre entre les lignes qu’à défaut il aviserait. Le pays comprit et ne renomma pas les députés de la guerre à outrance (15 juillet 1849).

Cavour, revenu dans le Parlement, approuva le manifeste royal, soutint le ministère, et conseilla l’approbation du traité. « La question, dit-il, est une question entre nous et la fatalité. Sur quelques bancs de la Chambre qu’ait été pris le ministère, il doit reconnaître cette loi fatale et l’accepter. » Le traité fut ratifié. Le peuple, le roi, les hommes politiques du Piémont, malgré les erreurs et les infortunes, s’étaient toujours montrés au-dessus des événemens : après leur défaite suprême, ils s’élevèrent encore plus haut. Dans aucune histoire ancienne ou moderne, je ne connais aucune période plus digne d’admiration que l’histoire du Piémont depuis la paix de Milan jusqu’à la guerre de 1859. Cavour s’y révèle et y domine, mais d’Azeglio, pendant trois ans, s’y montre égal à celui qui lui succédera ; les services qu’il rendit par son courage mêlé de prudence et par une fermeté que la modération n’abandonna jamais furent moins éclatans, ils ne furent pas moins réels.

Le premier il substitua à l’ancienne politique municipale une politique italienne en prenant en tout le contre-pied des autres gouvernemens de la Péninsule. Ils s’étaient jetés dans une réaction effrénée, et cette réaction avait trois caractères : elle était autrichienne, anticonstitutionnelle, surtout cléricale. Ainsi, en