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Dans une autre circonstance le conseil de d’Azeglio fut mieux accueilli. « Il y a eu peu de rois dans l’histoire qui aient été galantuomini, il serait temps d’en commencer la série, lui avait dit un jour le ministre — J’ai donc à faire le galantuomo ? Le métier me paraît facile, répliqua Victor-Emmanuel. Et, prié d’inscrire son nom sur le registre de recensement de sa capitale, il ajouta à la colonne de la profession : re galantuomo. — Ne laissez pas aux autres le soin de vous qualifier, on vous prendra pour ce que vous vous donnerez.

La loi Siccardi votée (9 avril 1850), le roi la sanctionna malgré les supplications de sa mère et de sa femme. L’archevêque de Turin, Franzoni, enjoignit à ses prêtres de n’y pas obéir. On se demandait qui, de Franzoni ou de Victor-Emmanuel, serait le roi. L’incertitude ne se prolongea pas. L’archevêque fut cité en justice, condamné par défaut, à un mois de prison, à une amende et emprisonné. Cela ne le calma point, et il recommença les hostilités à la mort de Santa-Rosa, le ministre de l’agriculture et du commerce. Santa-Rosa, après s’être confessé dévotement, et avoir reçu l’absolution, demanda la communion. Son curé, Pittavino, moine de l’ordre des servites, vint, par ordre de l’archevêque, déclarer que les derniers sacremens et la sépulture chrétienne ne seraient accordés que s’il rétractait formellement sa participation aux lois Siccardi. Le confesseur protesta par écrit que le mourant était persuadé de n’avoir ni violé les droits de l’Eglise ni méconnu l’autorité de son chef visible ; sa femme se jette en sanglotant aux pieds du curé, le suppliant de ne pas refuser les suprêmes consolations à son mari bien-aimé. Le curé reste inflexible : « Non, il me faut une rétractation formelle. » Le moribond, portant ses mains tremblantes à sa tête, murmure : « On me demande des choses que ma conscience ne me permet pas d’accorder ; je ne veux pas laisser un nom déshonoré à mes enfans ! » Il rend l’âme. Le prêtre inexorable se retire sans prononcer une parole. Il rencontre en sortant Cavour, l’ami de Santa-Rosa, qui, exaspéré de ce qu’on était venu lui raconter, l’invectiva. On eut grand’peine à les empêcher d’en venir aux voies de fait. L’exaspération publique ne fut pas moindre que celle de Cavour. Le gouvernement dut expulser incontinent le curé, les moines servites et l’archevêque. Une souscription pour élever un monument commémoratif de l’abolition de l’immunité ecclésiastique fut aussitôt couverte, et de toute part on demanda à d’Azeglio et au roi de