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sympathique à la Prusse parce qu’il espérait d’elle plus que de l’Autriche, symbole de l’oppression internationale, le développement, des progrès modernes et des aspirations des peuples, et qu’il la jugeait destinée fatalement à poursuivre en Allemagne le rôle d’émancipation assumé par le Piémont en Italie.

Il ne put pas se rapprocher du cabinet prussien dans l’affaire du Danemark, se croyant obligé de défendre avec l’Angleterre l’intégrité de « l’ancien allié qui eut tant à souffrir de sa fidélité à la France, lors de nos désastres ». Cependant il stipula en même temps en faveur des droits des duchés, et par là il se rapprocha, en partie du moins, de la thèse prussienne. Dès qu’il eut l’occasion de complaire au roi de Prusse, il la saisit. Ce fut en lui envoyant Persigny comme ambassadeur. Personnellement il n’eût pas songé à investir de cette fonction délicate cet ami trop impatient de s’élever au-dessus du rang secondaire auquel il s’était lui-même destiné par sa devise : Je sers. Il commençait à être gêné, importuné par ses intempérances de parole et de jugement. Il céda aux instances répétées du roi de Prusse, et à la pression exercée sur lui et sur ses ministres encore plus rétifs que lui, par Hatzfeld, l’ambassadeur prussien, gendre du maréchal de Castellane, et par la princesse Stéphanie de Bade. Le roi de Prusse, dilettante de l’esprit, avait été amusé par la verve de Persigny lors de sa mission en 1849. Ce n’était pas cependant ce qui le rendait si pressant. Engagé alors dans son affaire de l’Union restreinte, il supposait que l’envoi auprès de lui de celui qu’on considérait comme le confident et l’inspirateur de l’Elysée lui apporterait une force contre l’Autriche et contre les résistances des États du Nord.

Persigny partit avec des instructions contradictoires. Le ministère lui prescrivait de s’abstenir de toute ingérence, de tout engagement, de toute compromission, et de ne manifester quelque sympathie que pour les États moyens « dont la protection est un des intérêts permanens de notre politique. » Cela équivalait à dire, les États moyens gravitant alors dans l’orbite de l’Autriche, qu’il fallait pencher vers l’Autriche. Le Président recommandait aussi de « s’abstenir de toute ingérence, de tout engagement, de toute compromission », mais de pencher surtout vers la Prusse, de l’aider discrètement et d’essayer de l’attirer à une alliance. Il prit soin, du reste, d’instruire la cour de Berlin par Halzfeld de la véritable mission de son envoyé : « Ses intentions envers la