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exploits, vous le nommerez général de division, vous l’appellerez à Paris et vous n’aurez plus rien à craindre de Changarnier ni de qui que ce soit dans votre lutte inévitable avec l’Assemblée. » Le Prince accepta ce conseil. L’expédition de la Petite Kabylie fut résolue (fin de mars), et il fut entendu que, dès qu’elle serait en train, Fleury se rendrait auprès de Saint- Arnaud, à titre d’envoyé de la Présidence, en apparence pour suivre les opérations, en réalité pour s’assurer des dispositions du général et s’entendre avec lui. Il s’agissait non de lui proposer un coup d’Etat, que le Prince s’efforçait d’éviter, mais de s’assurer un dévouement qui allât jusqu’où les circonstances l’exigeraient.


X

La situation du ministère nouveau, difficile en elle-même, fut encore aggravée par la demande inopportune d’une subvention de 1 800 000 francs en faveur du Président. L’argent se faisait de plus en plus rare à l’Elysée. Quand on eut résolu d’envoyer Fleury auprès de Saint- Arnaud, on ne sut comment se procurer les 6 000 francs nécessaires à l’achat des chevaux, etc. On demanda à Achille Fould de faire escompter un bon par sa maison de banque. Son frère fit répondre que l’on n’escomptait que les billets de commerce. On eut grand’peine à obtenir un prêt ailleurs.

Montalembert, quoique contrarié de cette demande, l’appuya (10 février 1851). Il entama l’examen de la conduite générale du Prince depuis son avènement. Thiers l’avait défigurée, il lui rendit son véritable aspect. En sa vaillante loyauté, il ne craignit pas de défendre celui que ses amis méconnaissaient et déchiraient, de soutenir que le Prince avait tenu beaucoup plus qu’il n’avait promis, à la différence de la plupart des princes et des pouvoirs de ce monde, qui promettent en général beaucoup plus qu’ils ne tiennent. « Vous me direz qu’il a fait des fautes ? Vraiment ? Vous avez découvert cela ? Permettez-moi de vous demander si vous avez connu un gouvernement quelconque au monde qui ne fît pas de fautes ? Il est bien des points sur lesquels je ne suis pas d’accord avec le Président. Il pourra me faire regretter un jour d’avoir cru en lui, il pourra me faire rétracter le témoignage que je lui rends ; mais, comme je ne lui dois rien, comme je ne lui demande rien, comme il ne peut rien pour moi, il y a une chose