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la clôture de la Bourse ne les supprimerait même point. Jamais l’agiotage n’a été plus effréné que sous la Convention et sous le Directoire, quand les portes de la Bourse étaient fermées. Les excès de la spéculation et les scandales financiers ne sont pas imputables à l’organisation de la Bourse; si les intermédiaires, si la Coulisse surtout n’en sont pas toujours innocens, ce ne sont ni les premiers ni les grands coupables. Parquet ou Coulisse, les courtiers de Bourse ne sont que des agens de transmission qui exécutent les ordres qu’on leur apporte. On les a vus souvent, au parquet du moins, tempérer la fougue de leurs cliens. Veut-on moraliser les affaires et refréner l’agiotage, il servirait de peu de modifier l’organisation du marché. Juristes ou moralistes, ceux qui comptent guérir la France de la fièvre intermittente de la spéculation, en réglementant la Bourse, ne voient que le dehors des choses. Ils prennent les symptômes du mal pour les causes du mal. Ici encore, la réglementation serait le plus souvent un leurre : un règlement d’administration ne suffit pas à déraciner les défauts qui tiennent aux mœurs. Les abus de la spéculation ont des causes profondes que la loi ne peut toujours atteindre. Et si l’on en veut frapper les auteurs ou les complices, ils ne sont pas toujours là où le public les cherche.

Les écumeurs d’affaires et les détrousseurs de l’épargne, les répugnans parasites qui se nourrissent aux dépens de la crédule avidité des badauds opèrent autour de la Bourse, plutôt qu’à la Bourse. Les petites agences, les petits comptoirs, les petits changeurs, voilà les plus dangereux racoleurs de la spéculation, les plus actifs courtiers de la corruption financière. Et veut-on savoir quelle est, ici comme partout, la grande entremetteuse, celle qui rapproche le banquier véreux et les brigands de la finance de la foule de leurs victimes, c’est la grande corruptrice qu’on rencontre partout à l’œuvre autour de nous, tour à tour cynique et hypocrite, la presse, la petite presse surtout, la presse populaire à bon marché.

Il n’est pas vrai peut-être que jamais les abus de la spéculation n’ont été plus criminels et moins punis qu’aujourd’hui ; il est certain qu’ils n’ont, jamais, affecté un plus grand nombre de personnes, parce que, jamais, la spéculation n’a été à la portée de plus de mains. C’est encore là un des effets de la démocratie ; la vulgarisation de l’agiotage fait partie de son cortège habituel de biens et de maux. La spéculation, nous ne saurions trop