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LES REVUES ETRANGÈRES

LE ROMAN NATURALISTE EN ANGLETERRE

Alfred Morrison : Tales of mean streets ; 1 vol. 1895 ;
A Child of the Iago, 1 vol. 1897.

« La rue que je vais décrire est dans l’East-End. Inutile de dire dans l’East-End de quoi. L’East-End est une vaste cité, aussi fameuse à sa manière qu’aucune de celles qu’ait bâties la main de l’homme. Mais qui connaît l’East-End ? C’est là-bas après Cornhill, au bout de Leadenhall Street et derrière Aldgate Pump, dira l’un ; un quartier affreux, où il est allé un jour en compagnie d’un vicaire ; un sinistre fouillis de ruelles où grouillent des formes humaines, où des hommes et des femmes d’une saleté répugnante vivent d’une ration de gin, où le linge blanc est un luxe ignoré, où chaque citoyen porte un bleu sur l’œil, et où personne jamais ne peigne ses cheveux. L’East-End, dira un autre, est un territoire abandonné aux ouvriers sans travail. Et les ouvriers sans travail sont une race ayant pour emblème une pipe de terre, et pour ennemi principal le savon. De temps à autre, elle se transporte en corps à Hyde Park, avec des bannières, et fournit, pour le soir, aux postes de police voisins, une forte provision d’ivrognes tapageurs. Et maintes autres idées également vagues ont cours, de par le monde, au sujet de l’East-End ; mais chacune d’elles n’est que l’ombre, plus ou moins déformée, de l’un de ses traits secondaires. Et le véritable caractère de l’East-End continue d’être absolument inconnu.

« La rue que je vais décrire s’étend sur environ cent cinquante yards, toute bâtie sur un seul modèle. Elle n’est point belle à voir. Une sombre petite maison de briques de vingt pieds de haut, avec trois trous carrés pour les fenêtres et un trou oblong pour la porte : cela n’est point d’un spectacle bien plaisant. Et chacun des côtés de la rue