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Vous aimez les vers anglais ? Eh bien ! je vous ordonne de traduire ceux-ci et de me répondre tout de suite :

Doubt thou, the stars are fire ;
Doubt that the sun doth move :
Doubt truth to be a liar,
But never doubt I love !


VI


Paris, vendredi 16 novembre 1849.

Dimanche dernier, j’ai conduit comme président la députation de l’Académie française à la cérémonie singulière où les croix et les médailles données à l’industrie ont été portées à la Sainte-Chapelle, et bénies dans des châsses assez pareilles à l’arche sainte des Juifs. La vue de cette chapelle admirable, restaurée dans le style de saint Louis, ravirait, je crois, votre cœur par la gravité des souvenirs, et vos yeux par l’éclat du présent. Nous irons la visiter quand vous viendrez à Paris, et nous donnerons des noms aux statues des charmans apôtres, qui assurément furent des portraits des seigneurs de la cour de ce temps qui entourèrent Saint Louis à la Terre Sainte.

Ne croyez pas aux éloges que l’on donne aux chants de l’Orphéon. La mélodie et l’harmonie sont absentes de ces chants criards, violens, saccadés ; et je regrettais en les écoutant ces chants si merveilleusement mélancoliques et mélodieux des confréries italiennes du moyen âge, que l’on a joués quelquefois ici au Conservatoire, et dont la religieuse tendresse a dû vous ravir si vous les connaissez. Si vous avez chez vous la musique de la Romanesca, cette danse noble du temps de François Ier, jouez-la ce soir ; si vous ne l’avez pas, je vous l’enverrai. — Ne négligez pas, chère Alexandrine, cet art délicieux de la musique qui élève l’âme par de si douces émotions. Je les trouve d’autant plus ravissantes qu’elles sont indéterminées et que la limite des sentimens et des idées n’est pas fixée sur une image, comme par les autres arts, et laisse la rêverie plus libre.

Votre oncle était à Paris : je l’ai vu presque tous les jours. Hier je l’ai enlevé et mené aux Français. Il vole comme un papillon de théâtre en théâtre, et des roses aux fées. Il loge dans une rue dont le nom et les hasards me font frémir pour sa vertu. Donnez-lui de sages conseils. Il prétend avoir reçu de vous un billet où vous lui dites de me serrer la main et surtout de ne pas