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Quant suis avant un pou alé,
Et vy un vergier grant e lé,
Bien cloz de bon mur batillé
Pourtrait dehors et entaillié
Ou maintes riches escriptures…


« Et quand vous êtes à Florence, devant le campanile de Sainte-Marie-des-Fleurs, vous voyez la preuve de cette union des arts. Il y a là deux rangs de panneaux hexagones remplis de bas-reliefs. Quelques-uns sont de mains inconnues, d’autres d’André de Pise, de Lucca della Robbia, deux sont de Giotto et de ceux-ci, l’un représente la Peinture, sous la forme d’un peintre dans sa bottega. Vous avez, dans ce bas-relief, une des pierres fondamentales de la tour la plus parfaitement bâtie en Europe. Or cette pierre a été sculptée par la main de son propre architecte, et, de plus, cet architecte-sculpteur, Giotto, était le plus grand peintre de son temps, et l’ami du plus grand poète… »

Aujourd’hui, loin que l’artiste veuille mener à bout un grand ensemble d’œuvres, il dédaigne de terminer la sienne propre. « Le système moderne de modeler la statue en argile, de la mettre en forme par une machine ou par les mains d’un inférieur, et de la retoucher à la fin, — si le soi-disant sculpteur la touche, — seulement pour corriger les défauts, rend la production d’un bon travail de marbre une impossibilité matérielle. Le premier résultat est que le sculpteur pense en argile au lieu de penser en marbre, et perd son sens instinctif du traitement qui convient à une substance cassable. Le second est que ni lui ni le public ne reconnaissent la touche du ciseau comme expression du sentiment ou d’un pouvoir personnel et que l’on n’y cherche plus rien que le poli mécanique. »

Dans la gravure, la même division du travail produit la même médiocrité du travail. « Regardez une gravure en taille-douce, vous voyez deux inscriptions : au coin, à gauche, « dessiné par un tel », au coin, à droite, « gravé par un tel ». Or les seules gravures qui aient une valeur impérissable sont celles qui furent faites par le dessinateur lui-même. Il est vrai que, dans la gravure sur bois, Holbein et Durer avaient des ouvriers sous leurs ordres, mais non pas dans la gravure sur métal, car la perfection extrême de la ligne ne peut être atteinte que par la main du maître et que dans l’acte même où il dessine. Jamais la ligne ne peut avoir sa pleine valeur que sous la première force vivante de l’imagination et de l’intelligence, car le dessin gravé doit être