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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février.

L’intervention de la Grèce en Crète est un acte qu’il est encore difficile de caractériser et de juger définitivement. Si on la prend en elle-même, on est obligé de la qualifier avec sévérité. La Grèce qui, depuis le commencement du siècle, a si largement profité des sympathies de l’Europe, a eu quelque peu besoin, dans ces dernières années, de son indulgence. Ni sa situation politique, ni sa situation militaire, ni sa situation financière, ne lui permettent en ce moment de dicter sa volonté au reste du monde. Ce qu’elle a pour elle est d’être la Grèce, et d’éveiller de si grands souvenirs dans nos âmes classiques qu’il nous est impossible de ne pas lui conserver notre intérêt. Dans toute l’Europe, mais plus particulièrement en Angleterre, en France et en Italie, ce sentiment s’est manifesté d’une manière très vive : toutefois, il ne faudrait pas le mettre à des épreuves trop souvent renouvelées et de plus en plus dangereuses. Ce qui excuse la Grèce, au moins dans une certaine mesure, c’est que la tentation à laquelle elle a cédé était vraiment bien forte, et que personne n’avait encore rien fait pour en diminuer sur elle la puissance d’entraînement. Il semble même que tout le monde, assurément sans mauvaise intention, se soit appliqué à l’augmenter. La place publique, l’Agora, les rues et les cafés d’Athènes, sont le lieu où s’élabore la politique dans le petit royaume hellénique, et par un phénomène dont il ne serait pas impossible de trouver ailleurs d’autres exemples, mais qui se manifeste là avec un degré particulier d’intensité, les imaginations arrivent assez vite à croire que la grande affaire de tout le monde est l’affaire particulière dont elles sont elles-mêmes remplies et obsédées. Un bon Athénien ne met pas en doute que l’idée hellénique est au contre des préoccupations de toute la politique européenne. Était-il possible que, dans un milieu pareil, le plus impressionnable qui existe, le bruyant procès que tous les journaux du monde poursuivent depuis quelques mois, contre l’empire ottoman, n’eût pas