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l’accord qui n’avait pas cessé d’exister sur le fond devait aussi se retrouver sur la forme, et il en sera certainement de même du gouvernement allemand, à en juger par le langage de M. le baron Marschall. La difficulté dont nous avons parlé plus haut ne porte en somme que sur une question de priorité à donner à telle ou telle partie d’une opération dont la nécessité finale est également reconnue par tous. Quant à M. Hanotaux, il avait été, depuis quelques semaines, très vivement attaqué par une partie de la presse. Sa politique avait rencontré des critiques nombreuses et pénétrantes. On pouvait se demander si l’opinion parlementaire n’en avait pas été plus ou moins émue, plus ou moins troublée : la double interpellation qui lui était adressée, sur les affaires d’Orient par M. Denys Cochin, et sur les affaires de la Crète par MM. Millerand et Jaurès, devait servir d’épreuve à cet égard. On sait comment elle s’est terminée. Jamais le gouvernement n’avait obtenu une majorité plus considérable. Tout le monde a senti que l’heure était mal choisie pour les récriminations, peut-être même pour les explications rétrospectives. En face d’une situation aussi délicate, une seule question se posait, celle de savoir ce qu’on ferait de la Crète, et comment on sortirait de la difficulté immédiate où on se trouvait. Les interpellateurs n’ont paru avoir à ce sujet aucune idée bien précise ; M. Hanotaux, au contraire, savait ce qu’il voulait ; il l’a dit avec clarté et avec force. De là son succès. On pouvait craindre que le gouvernement ne fût affaibli par le débat : grâce au patriotisme de la Chambre il en a été fortifié, et, certes, il ne saurait avoir trop de force dans les circonstances que nous traversons.


Nos lecteurs trouveront dans ce numéro de la Revue un article de grand intérêt sur Léon XIII et le Prince de Bismarck. C’est avec un regret très vif que nous leur annonçons la mort de son auteur, M. Lefebvre de Béhaine, qui vient de succomber à une courte maladie. M. Lefebvre de Béhaine était ambassadeur de la République auprès du Vatican lorsqu’il a été mis à la retraite l’année dernière. C’était, avant tout, un diplomate. Entré jeune dans la carrière, il en avait successivement parcouru toutes les étapes, franchi tous les degrés, pour arriver vite à ces situations de confiance où la valeur d’un agent peut donner toute sa mesure. Il possédait à un degré rare les qualités qui pouvaient le mieux assurer son succès personnel, et être le plus utiles à son pays. Il unissait à une instruction première très solide, une grande finesse d’esprit, un jugement sûr, beaucoup de fermeté dans ses vues générales, une grande souplesse dans sa conduite, et