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d’autrefois. Elle ne prête aux débats qui se succèdent qu’une attention intermittente. Elle se laisse surprendre par des émotions d’audience. La majorité s’en va volontiers à la débandade, ne semblant pas se douter que les socialistes et les radicaux la surveillent, prêts à profiter de ses moindres défaillances, et déjà, à deux reprises pour le moins, elle a failli se laisser surprendre. Qui aurait pu croire que le ministère, après avoir traversé tant d’épreuves redoutables, serait presque mis en danger par une discussion sur les affaires de Corse ? C’est que, dans une bataille annoncée d’avance et où tous les partis prennent position, chacun court à son poste et cherche le coude du voisin. Dans les escarmouches que l’on croit sans conséquence, il n’en est plus de même, et de là viennent les surprises, causes d’émotion, causes de désarroi.

Toutefois, le mal que nous signalons n’est pas jusqu’ici bien grave. Il n’en est pas tout à fait de même de celui qui s’est manifesté à propos de la vérification des pouvoirs de M. l’abbé Gayraud, élu dans la troisième circonscription de Brest à la place de Mgr d’Hulst. M. l’abbé Gayraud aurait peut-être aussi bien fait de ne pas poser sa candidature ; mais enfin, il avait le droit de la poser, et les électeurs avaient celui de l’élire. Les opérations électorales avaient été régulières : le nouveau député avait obtenu une majorité écrasante sur son concurrent royaliste, M. de Blois. Malheureusement le bruit fait autour de sa personne, et qui ne venait pas de libres penseurs, avait à la fois attiré l’attention et un peu excité la mauvaise humeur de la Chambre. Elle était prête à commettre quelque sottise, sous la forme de quelque injustice. Il était, au surplus, facile de prévoir que, dans un arrondissement où les influences cléricales ont toujours été prépondérantes, non pas du tout, comme on l’a dit, par une docilité trop grande envers une direction venue d’en haut, mais au contraire parce que le clergé inférieur y est très remuant, très bruyant, très ardent, très indépendant, on découvrirait sans beaucoup de peine certains détails de mœurs électorales peu édifians en eux-mêmes, et qui le paraîtraient encore moins à des yeux prévenus. Tout cela est arrivé. Le dossier de l’élection a eu en outre la mésaventure de tomber entre les mains d’une commission qui a choisi M. Isambert pour président et pour rapporteur. On peut juger par là de l’esprit qui l’animait. Elle s’est prononcée, non pas pour l’invalidation, mais pour l’enquête, et la Chambre a conclu dans le même sens à une très grande majorité. Les bureaux ont eu à nommer neuf commissaires enquêteurs : ils ont élu neuf candidats si bien faits à l’image de M. Isambert, qu’ils se sont empressés de l’élire de