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aux idées ou aux intérêts du gouvernement. Cette conséquence, il sera interdit au prêtre catholique de la tirer; cette application, il sera interdit au prêtre catholique de la faire. C’est ce qui arrive déjà tous les jours. Voilà donc le gouvernement qui, au moins par voie de limitation, dicte sa doctrine à l’Eglise catholique en France, lui trace son programme, lui marque son enseignement. La Sorbonne d’autrefois est qualifiée par Mgr de Frayssinous de « Concile permanent des Gaules ». Le concile permanent des Gaules, aujourd’hui, c’est le ministère.

Et enfin, ce qui est, non pas le plus grave, mais le plus frappant, et qui fera peut-être le plus réfléchir les prêtres catholiques, ainsi liée au gouvernement de la France, l’Eglise de France suit sa fortune. Il y a même pis ; elle ne suit que son infortune. S’il est populaire, elle ne le sera pas nécessairement pour cela; s’il est impopulaire, elle partagera son impopularité. C’est ce qui arrive sous la Restauration. C’est à la fois le signe bien frappant de cette dépendance de l’Eglise relativement au pouvoir, puisque la foule, ne s’y trompant pas, se défie des prêtres français comme elle se défie des fonctionnaires du roi, et au même titre; et c’est le danger matériel le plus grand dont puisse être menacée l’Église de France. Récolter la désaffection qu’elle ne sème pas et que sème un gouvernement qui l’opprime, voilà un beau résultat; et voilà un malheur que le gallicanisme nous vaut. Il n’y a pas d’erreur plus forte, à tous les points de vue, que les prétendues libertés de l’Eglise gallicane, libertés qui sont les chaînes les plus lourdes, les entraves les plus étroites, et des entraves qui conduiraient au précipice les pieds qu’elles enserrent.

Enfin, ce qu’on appelle libéralisme est une illusion assez singulière et un leurre d’un genre tout spécial. Il faut distinguer; car il n’y a pas de mot plus vague que le mot liberté, et d’autre part, comme bien des doctrines, le libéralisme a fini, au cours de son évolution, par être exactement le contraire de ce qu’il était en son principe. En son principe c’est une invention du christianisme; c’est [[le désir invincible de liberté inhérent aux nations chrétiennes qui ne sauraient supporter un pouvoir arbitraire ou purement humain. » Le christianisme est venu dire aux hommes : Tout en vous appartient à César, excepté votre conscience. Ne lui résistez jamais dans toute la vie civile. Quand il vous dira: Croyez à mon Dieu et non à Dieu, résistez-lui. — La liberté de conscience était inventée, et avec elle, car ce n’en sont que des conséquences