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amputé, modifié maintes fois, n’en devait pas moins demeurer le point de départ d’un remaniement social considérable. Hardenberg, en le signant, avait bien signé la charte, restreinte sans doute dans ses applications, mais s’étendant encore à un groupe de 70 000 cultivateurs et de bien près d’un million d’hectares, la charte de la petite propriété libre en Prusse.


LA REFORME ADMINISTRATIVE
I

Nous avons été tellement façonnés, par une sorte d’atavisme, au régime de la centralisation française, et nous nous confinons si volontiers dans l’habitude tranquille de ce qui nous apparaît comme national, que nous avons toujours quelque difficulté à nous représenter des systèmes politiques entièrement différens du nôtre.

Un homme d’esprit reprochait à je ne sais quel homme d’Etat de ne pouvoir, en parcourant les riantes campagnes de la France, voir apparaître, au détour d’une vallée, le clocher d’un village ou la fumée de ses chaumières sans songer aussitôt au maire, à l’adjoint, et surtout au gendarme.

Et, pour ceux en effet qui sont portés en France à substituer à l’image de la vie intime et réelle celle de la société politique, le tricorne du gendarme n’en est-il pas l’emblème assez indiqué? Pour combien d’esprits, peu façonnés au maniement des abstractions, le gendarme n’est-il pas la seule apparence concrète de la loi? et n’est-ce pas un symbole assez caractéristique de l’état administratif de la France que cet agent de l’autorité centrale, dépendant directement d’elle, chargé d’assurer pour la plus large part l’exécution des lois, portant sur tous les points du territoire l’action hiérarchisée et directe de l’autorité, et auquel aboutit, en dernière analyse, pour la plus grande part, le fonctionnement matériel de l’appareil administratif, judiciaire, militaire de la France.

L’édit, par lequel Hardenberg essaya de substituer, à l’organisation féodale de l’ancienne Prusse, une administration centralisée, porte, jusque dans son nom, la marque de l’importation française