J’ai eu déjà l’occasion de dire quelques mots de l’écrivain italien Joseph Acerbi, dont M. Luzio vient de raconter l’aventureuse existence dans une série d’articles de la Nuova Antologia. C’était précisément, — peut-être voudra-t-on se le rappeler, — à propos de la publication faite par le même M. Luzio, dans une revue allemande, de certains fragmens jusque-là inédits du Journal d’Acerbi, où celui-ci avait noté le détail de ses entretiens avec Klopstock, le poète de la Messiade[1]. « Joseph Acerbi, écrivais-je alors, était un de ces hommes universels qui s’entendent un peu à tout sans avoir, en fin de compte, de talent pour rien. Tour à tour poète, historien, philosophe, explorateur, peintre, philologue, diplomate, cité par Mme de Staël comme « le plus digne représentant, avec Monti, de l’Italie spirituelle tout entière », il serait aujourd’hui complètement oublié de ses compatriotes eux-mêmes s’il n’avait attaché son nom à une revue mensuelle, la Biblioteca Italiana, qui, pendant dix ans, de 1816 à 1826, sous sa direction, a puissamment contribué à faire connaître en Italie les travaux des écrivains étrangers. » Et de fait ni les poèmes d’Acerbi, ni ses récits de voyages, ni ses mémoires archéologiques n’égalent en importance l’œuvre qu’il a accomplie en fondant et en dirigeant cette fameuse revue. Mais force m’est aujourd’hui de reconnaître, après cela, que je m’étais trompé sur son compte en affirmant qu’il n’avait eu « de talent pour rien » : car il en a eu au contraire, et beaucoup, et du plus véritable, pour fonder et diriger une revue ; et l’histoire de ses relations avec la Biblioteca Italiana, telle que vient de la reconstituer M. Luzio à l’aide de
- ↑ Voyez la Revue du 15 septembre 1894.