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entaille, au milieu du mur. Il se termine aux extrémités par deux « ancres », profondément enfoncées dans la pierre, que le maçon à cet effet perfore avec le bat-beurre, un ciseau à froid dont le mouvement est pareil à celui des barattes du type primitif. Les intervalles d’une solive à l’autre sont ensuite garnis — « hourdés » — soit en plâtras, débris et déchets de toute sorte, soit en panneaux de terre cuite ou en briques légères, appelées « langues de chat », lorsqu’on désire des plafonds luxueux.

La charpente des combles, au sixième étage, se fait jusqu’à présent en) bois, par un motif surprenant au premier abord… de crainte d’incendie. « À l’Opéra, m’a dit M. Charles Garnier, partout où il existe un danger de feu, j’ai exclusivement employé le bois dans les séparations ou la toiture. » Les confrères du célèbre architecte agissent de même pour les habitations privées. C’est que le fer, s’il ne brûle pas comme le bois, se dilate, se tirebouchonne, entraine les murs dans sa chute et cause la destruction totale de l’édifice. Tant que l’on ne possédera pas un système commode et peu dispendieux de revêtement du métal par la terre cuite ou le ciment, le brisi de chêne et le terrasson de sapin demeureront en faveur.

Le siècle où nous vivons, à qui des fées bienfaisantes ont à profusion donné tant de choses, a perdu un bien que ses aînés avaient en partage : le temps. À voir comme les anciens faisaient largesse du temps, il semblait qu’ils eussent devant eux l’éternité. Nos contemporains attachent aux années un tout autre prix ; ils s’en montrent avares ; on dirait que les heures subitement sont devenues moins longues ou la fin du monde plus prochaine, tellement les générations paraissent pressées. Aussi le Temps, que l’allégorie traditionnelle représentait inexorable, sous la figure d’un bon vieillard porteur d’une faux et d’un sablier, a-t-il subi de nos jours des assauts très rudes. Il a dû faire beaucoup de concessions. Sur cent terrains divers notre activité l’a vaincu, s’est passée de lui ou l’a réduit à un rôle secondaire. Mais, s’il n’est plus aussi « grand maître » qu’autrefois, il règne encore en quelques domaines et les bois sont soumis à son joug. Il n’est jusqu’ici d’autre procédé, pour obtenir de gros arbres, que de les laisser vivre vieux, ni d’autre moyen de les avoir en grand nombre que d’entretenir de vastes forêts. Or les forêts diminuent partout où les hommes s’accroissent et la plupart sont aménagées en taillis.