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ébranlé. On regardait le rebelle, dans toute une partie de l’empire, comme le plus glorieux défenseur de l’islam. On commençait à dire que, lui empereur, il opposerait plus de résistance aux chrétiens. Dans ces conditions, une exigence trop grande de notre part eût donné une apparence de raison à ceux qui nous surveillaient et intriguaient contre nous. Il parut donc qu’il valait mieux se contenter d’obliger la cour de Fez soit à expulser Abd-el-Kader du territoire marocain, soit à l’arrêter et à le retenir. En même temps il était convenu que les frontières seraient tracées, selon l’état de choses reconnu par le gouvernement marocain à l’époque de la domination des Turcs en Algérie. Ce traité, dit de Tanger, est du 10 septembre 1844 ; la convention de Lalla Mar’nia, on se le rappelle, du 18 mars 1845.

Or, tandis que nos plénipotentiaires entraient en relations avec ceux du Maroc pour la fixation de la frontière, nous pressions le sultan Abd-er-Rhaman d’exécuter la clause concernant Abd-el-Kader. Ce souverain, comme toujours, hésitait. Mais nous ne pouvions recourir à une mise en demeure, afin de rester dans les limites que nous imposait notre modération. Nous devions subir ses atermoiemens ; puisque nous voulions amener Abd-er-Rhaman à des relations amicales, nous devions écarter tout ce qui pouvait le froisser. « Nos dispositions, écrivait le ministre des Affaires étrangères à notre représentante Tanger, sont essentiellement amicales envers le Maroc, et nous ne demandons qu’à bien vivre avec lui tant que son souverain lui-même se montrera sincèrement animé du désir d’éviter tout ce qui serait propre à troubler la bonne intelligence établie entre les deux États. Nous croyons que telle est, quant à présent, son intention, et qu’il ne tiendra qu’à lui que toute nouvelle cause de conflit soit écartée (allusion très transparente à nos demandes au sujet d’Abd-el-Kader et des bandes qui lui prêtaient leur appui). Nous faisons d’ailleurs la part des difficultés de sa position. Il le sait et il a pu apprécier la modération et la générosité dont nous avons si largement usé à son égard dans des circonstances bien critiques pour lui. La mission confiée à M. le comte de La Rue (notre plénipotentiaire de Lalla Mar’nia) sur la frontière de l’Algérie est encore un gage du caractère bienveillant et loyal de notre politique à l’égard du Maroc, car cette mission n’a pas seulement pour but d’assurer la fixation des limites respectives, elle tend également à resserrer et à fortifier les relations des deux empires en faisant disparaître et en prévenant