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ROME ET LA RENAISSANCE
L’ÉPILOGUE DE LA VOUTE[1]
(1512)

Un jour, au sortir du palais Vatican, Michel-Ange se trouva en face de Raphaël qu’entourait un groupe nombreux d’élèves sur la place de Saint-Pierre. « Avec un cortège, comme un Capitano! » railla tout haut Buonarroti. — « Et toi, seul, comme le bourreau ! » fut la riposte cruelle du jeune Santi... La scène, ainsi racontée par Lomazzo, est d’un effet saisissant; je la crois vraie, quoi qu’on ait dit, et je n’hésiterais même pas à lui assigner une date précise : la dernière année que Michel-Ange a passée sous la voûte Sixtine, son année terrible[2].

Il était bien seul alors, seul et désolé comme ce Jérémie dont il venait de créer le type grandiose et tragique. Avec l’auteur des Lamentations il pouvait dire aussi : « Mes yeux se sont affaiblis à force de verser des larmes, mon cœur s’est répandu en terre en voyant la ruine démon peuple[3]... »

Il avait repris son travail dans la chapelle après la courte interruption

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1896.
  2. Avant cette date, Raphaël n’avait pas encore ce cortège d’élèves dont parle Lomazzo, et après le mois d’octobre 1512, Michel-Ange n’a plus travaillé dans le Vatican. — Lomazzo était un contemporain de Buonarroti, et son récit n’est mis en doute que par ceux de nos écrivains modernes qui s’obstinent, contre l’évidence même, à nier toute inimitié entre les deux grands artistes.
  3. Lamentations, II, 11.