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Le gouvernement de la République se préoccupa de cette situation; les Chambres s’en émurent; de longues études fut engagées; elles aboutirent à cette conclusion qu’il était impolitique de demander à un système de droits différentiels la protection dont on voulait doter la marine marchande, et qu’il fallait recourir au système de la subvention directe. De là sortit la loi du 29 janvier 1881 qui institua les « primes » à la construction et à la navigation, destinées à indemniser l’industrie de la construction navale et de l’armement du tort que lui causait l’ensemble de nos lois douanières et commerciales.

Aux termes de la loi de 1881, la construction des navires de mer était favorisée d’une prime de 60 francs par tonneau de jauge brute, s’il s’agissait d’un navire en acier. La prime était de 40 fr. pour les navires mixtes, de 10 francs pour les navires en bois d’au moins 200 tonneaux. Il s’ajoutait à cette première somme une prime de 12 francs par 100 kilogrammes pour les machines marines et les accessoires. De plus, si les steamers étaient construits sur des plans approuvés par le ministère de la marine (par conséquent sur des plans permettant leur transformation éventuelle en navires de guerre), une surprime de 15 pour 100 leur était allouée.

La pensée d’équité qui avait poussé les Chambres et le gouvernement à assurer à la construction des navires de mer des avantages si importans, est évidente : l’industrie des constructions navales eût été en effet frappée d’une façon désastreuse si l’on n’avait établi, par ce système de primes à la construction, une sorte de compensation aux droits de douane dont étaient frappées dans le même temps les matières premières entrant dans la construction des navires.

Aux primes à la construction, la loi du 30 janvier 1881 ajouta un système de primes à la navigation : 1 fr. 30 par tonneau de jauge nette et par 1 000 milles parcourus, dans l’année de la sortie des chantiers, la prime décroissant ensuite annuellement de 0,075 pour les navires de bois et de 0,05 pour les navires en fer. Les navires construits à l’étranger, et francisés, recevaient une prime égale à la moitié du montant réservé aux bâtimens construits en France[1]. La prime enfin était majorée de 15 pour 100 pour

  1. Ce droit à la moitié de la prime à la navigation a été retiré aux navires de construction étrangère en 1890, lorsqu’il apparut que, grâce à ce système de primes allouées aux navires français, les chantiers anglais avaient fait aux nôtres durant cette période de neuf années une concurrence désastreuse. La demi-prime ne fut pas rétablie, malgré les réclamations des armateurs ; elle ne figure pas dans la loi de 1893.