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— Mon vénéré et bien-aimé pasteur, s’écria-t-il enfin, je ne puis nier qu’en effet plusieurs de mes écrits ont eu pour objet d’amener des réformes dans l’Église que nous servons.

— Des réformes dans l’Église catholique ! dans la seule institution qui, sur notre terre toujours en changement, soit jusqu’ici restée immuable ! Vous voulez ruiner, par de soi-disant réformes, notre sainte Église catholique !

— Je sais que mon aveu me perd, monseigneur; mais je ne puis le retenir. Je cherche le royaume de Dieu, et je doute et je tâtonne dans cette recherche, et je suis seul. Au confessionnal, lorsque j’y ai porté mes doutes, et les angoisses qui en résultent pour moi, il m’a été répondu : « Prie, demande à Dieu la grâce de ne plus douter! » Mais rien d’autre, rien pour me convaincre ni pour nue consoler! Vous, monseigneur, venez à mon secours, faites en sorte que je comprenne, par exemple, que le célibat des prêtres...

Car l’abbé Wieser croyait, entre autres choses, que le temps était venu pour l’Église d’autoriser le mariage des prêtres, et que, dans un âge d’universel affaiblissement, le clergé n’avait de chance de se rapprocher de Dieu qu’en « devenant plus humain ». Et il le dit à son évêque, qui lui répondit, lui aussi, en l’engageant à prier pour retrouver la foi. « La foi, lui dit-il, est la seule lumière éternelle. Vainement vous essaieriez d’en chercher une autre. » Sur quoi, il se radoucit, car il l’aimait malgré ses erreurs. « Mon fils, ajouta-t-il en le congédiant, écoutez mon conseil. Cessez d’écrire des folies de ce genre ; mais plutôt employez au service de notre Église le précieux talent que Dieu vous a donné. J’ai toujours reconnu vos aptitudes : fournissez-moi l’occasion de les apprécier. Vous ne comptez pas, n’est-ce pas, rester vicaire toute votre vie? Allez, et que Dieu vous garde ! »

L’abbé s’en alla, touché de tant de bonté. Le souvenir lui revint d’un article qu’il avait écrit le matin même, pour un journal qui devait paraître le lundi suivant ; il y avait affirmé que l’enseignement religieux, dans les écoles, devait avoir pour base l’Évangile et non le catéchisme. Il craignit que cet article, paraissant au lendemain de son audience chez l’évêque, ne contristât le cœur paternel du vieillard, et il courut à l’imprimerie, pour demander qu’on l’ajournât. Mais il venait trop tard. L’article était imprimé, et prêt à paraître.

Une semaine après, le lundi de Pâques, l’abbé Wieser reçut l’avis que l’évêque venait de le nommer curé d’un village des Alpes, Sainte-Marie-en-Torwald. Un village de sept cents âmes, perdu dans les neiges, à quinze cents mètres d’altitude. Un village qui, plusieurs