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plus estimables et les plus solides ; mais nous nous calomnions nous-mêmes, et nous arrivons à faire croire à l’étranger que nous sommes profondément gangrenés et en proie à tous les vices. Il ne demande pas mieux que de le croire. Et pour nous épargner entre lui et nous des comparaisons où nous pourrions reprendre des avantages, si quelque scandale du genre des nôtres se découvre chez lui, il s’empresse de l’étouffer. C’est à peine si un murmure le signale ; le silence se fait aussitôt. Notre vertu est théâtrale et intransigeante ; celle des autres est prudente et toute politique. Laquelle vaut le mieux, nous ne le rechercherons pas. Chacun est ce qu’il est, et ne peut guère se changer. Au point où, chez nous, en sont venues les choses, il n’y a plus qu’à les laisser suivre leur cours et à attendre qu’il s’épuise. Nul ne pourrait s’y opposer, quand même il en aurait l’idée. Il faut donc se résigner à ce que la fin de la législature actuelle ressemble à la fin de la dernière : du temps perdu, de l’agitation, du bruit. Quant aux résultats utiles, ils seront peut-être l’apanage d’une Chambre plus heureuse, plus maîtresse d’elle-même, ou mieux dirigée.

La Chambre s’est séparée le 10 avril, et elle a décidé de revenir le 18 mai. M. Goblet aurait voulu qu’elle s’en allât plus tard et qu’elle revînt plus tôt, pour diverses raisons, dont la principale était tirée des affaires d’Orient et des préoccupations qu’elles doivent légitimement inspirer. À cela, M. Méline a répondu que le gouvernement, pendant les vacances, resterait scrupuleusement fidèle au programme qu’il a exposé aux Chambres et que celles-ci ont approuvé. Il a toutefois ajouté que, si les circonstances venaient à se modifier au point de rendre nécessaires des résolutions nouvelles, le parlement serait aussitôt convoqué. On ne ferait rien sans son adhésion et son concours. Ces promesses sont tout à fait correctes, mais il est peu probable que la nécessité de les remplir vienne à s’imposer. La situation de l’Orient, malgré les incidens qui se sont produits ces derniers jours sur la frontière de Macédoine, semble devoir se prolonger longtemps encore, sans qu’on aperçoive aucun dénouement. Puisqu’elle a duré jusqu’à l’heure où nous sommes sans amener les crises violentes qu’on pouvait craindre, il n’y a plus de raison pour qu’elle ne dure pas encore davantage. On se demandait au début comment, on se demande aujourd’hui quand tout cela prendra fin. Nous ne nous chargeons pas de dire à quoi les puissances emploient leur temps ; c’est sans doute à négocier ; mais avec qui et sur quoi ? Elles cherchent un expédient propre à satisfaire tout le monde, c’est-à-dire la Grèce et la Turquie : naturellement elles ne l’ont pas trouvé, et