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se trouve son mari, le chef de famille de celui-ci peut ordonner la répudiation de la femme, de même qu’il a décidé le mariage; auprès de ses beaux-parens, la jeune femme prend la place d’une fille; toutefois son importance rituelle est plus grande, puisque c’est elle qui doit perpétuer la famille, et, dans les sacrifices, elle a le pas sur les filles non mariées. Elle doit remplir envers les beaux-parens tous les devoirs de la piété filiale, qui comportent le deuil de trois ans à leur décès, le respect et l’obéissance presque absolue pendant leur vie : la règle de séparation des sexes empêche que la bru s’asseye à la même table que le beau-père, qu’il lui remette quelque objet de la main à la main, ou qu’il la frappe; mais, envers la belle-mère, elle est tenue, en cas de besoin, même d’obligations serviles ; chez les gens du commun, l’on dit qu’elle fait la soupe au goût de la belle-mère, et lui prépare la couverture. La belle-mère a le droit de correction, souvent elle en abuse. Il est d’un usage général, à la ville comme à la campagne, que tous les fils mariés continuent de vivre sous le toit des parens : chez les gens riches, une maison peut avoir cent kien[1] ou davantage, formant des appartemens communs, salon extérieur, salon intérieur, salle des ancêtres, bibliothèque, et des installations séparées, de trois ou de cinq chambres, pour chaque ménage, sans compter les pavillons secondaires pour les concubines, dont je parlerai plus loin, pour les enfans et domestiques, les chambres de réserve, les cuisines, les écuries; dans ces phalanstères, il n’est pas rare de trouver, sous les ordres de la belle-mère et sous sa surveillance constante, trois ou quatre brus, des filles et petites-filles non mariées, à peu près autant de concubines que de femmes mariées, des servantes à raison de deux ou trois par ménage : il y a aussi les parentes et amies qui sont de passage.

Il n’y a pas de repas en commun, puisque les deux sexes ne peuvent être réunis à une seule table, mais la cuisine est commune, chaque ménage mangeant dans son habitation privée, la femme assise à la droite du mari (la gauche est la place d’honneur) ; toutes ces femmes sortent peu, n’ont presque pas d’occupation, la plupart, manquant d’instruction, ne s’intéressent qu’à la toilette et aux futilités de chaque jour; la femme du chef de famille et les plus anciennes brus ne sont plus jeunes, ont leurs

  1. Entre-colonnemens d’environ quatre mètres carrés.