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principaux traits de sa condition. Avant tout, elle est un être inférieur à l’homme : la métaphysique chinoise pose la subordination du principe féminin dans l’univers; la morale prescrit à la fille et à l’épouse une soumission absolue envers le père comme envers le mari et établit la séparation des sexes, moins pour sauvegarder la pureté féminine que pour défendre l’homme d’une influence dégradante; les coutumes, conformes à la morale, enlèvent à la femme toute initiative, toute volonté; le culte des ancêtres, ce qui tient le plus au cœur du Chinois, ne lui donne qu’une place accessoire et lui accorde à peine une personnalité. Seule la maternité la relève, la rapproche des ancêtres auxquels elle a donné un héritier, et en fait un être nouveau, doué d’une existence religieuse qui se développe complètement le jour où le chef de famille vient à disparaître : le veuvage est donc, en principe, pour la personnalité féminine, l’heure du plus complet épanouissement possible. Mais ici encore, il faut noter que ce que l’on respecte, ce n’est pas la personne, c’est la fonction familiale accomplie, le devoir de perpétuer le culte rempli à la satisfaction des ancêtres : la gloire de la mère n’est donc que le reflet de la gloire de ceux-ci, c’est à eux que tout se ramène, et cette constatation ne sera pas pour surprendre, si l’on songe qu’en Chine la molécule sociale est non pas l’individu qui passe, mais la famille qui dure.


MAURICE COURANT.