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d’une approbation doctrinale le principe, tel que nous le professons, d’une égalité absolue entre toutes les formes de la pensée religieuse. Elle ne serait pas ce qu’elle croit être, le dépositaire d’une vérité unique et suprême, si elle encourageait la loi, qui sera toujours un des organes principaux de la pensée d’un peuple, à passer à côté d’elle avec indifférence, en affectant de ne pas la connaître et sans la distinguer, même par aucun égard, de l’erreur qu’elle condamne. Elle a d’ailleurs derrière elle plusieurs siècles d’un glorieux passé, dont elle ne peut trouver bon qu’on obscurcisse l’éclat. Elle n’oublie pas, et ne peut pas laisser mettre en oubli, qu’elle a été un jour la seule force morale surnageant sur un océan débordé de force matérielle, et quel service rendit alors son action directement exercée sur des États qui cherchaient leur voie. Elle fut entre eux le seul lien qui les ait empêchés de se déchirer, et, dans le sein de chacun d’eux, le seul instrument de cohésion qui ait préparé leur unité. Quelle aide n’a-t-elle pas apportée, dans ces jours sinistres, soit à la défense des opprimés, soit à la règle des mœurs, en intimidant par ses rigueurs spirituelles les appétits sanguinaires de la luxure couronnée ! Ce sont là des bienfaits dont elle a droit de s’étonner que les générations qui en gardent encore le profit, refusent de lui tenir aucun compte. Si par le cours des temps, et grâce aux lumières qu’elle a elle-même répandues, son rôle sur le terrain politique est devenu d’abord moins actif, puis a dû cesser, il ne lui appartient pourtant pas de décharger aucune communauté d’hommes (pas plus peuples qu’individus) de ses devoirs envers le Dieu qui n’est pas moins le Dieu de la raison que celui de l’Evangile. Elle ne verra jamais avec indifférence que des pouvoirs publics effacent du frontispice de leur code le nom du législateur suprême, et qu’aux heures de péril ils semblent craindre de recommander la justice de leur cause au Dieu des armées. Elle sait d’ailleurs quelle force et quelle chaleur ajoute au sentiment national l’unité d’une foi commune. C’est dans cette action vivifiante de la foi, formant un mélange, infusé dans le sang, de religion et de patriotisme, que consistera toujours à ses yeux l’état normal et complet d’une société chrétienne. C’est la thèse, si on tient, avec le Père Maumus, à se servir de ce mot (qui a, dans l’école, une acception un peu différente de celle que lui donne la langue ordinaire), qu’elle n’abandonnera jamais.

Mais suit-il de là qu’elle doive frapper d’anathème tout ce