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point qui eût été gagné, la liberté de l’enseignement, subsiste encore, il est vrai. Mais n’est-il pas déjà compromis par l’absence de tous les représentans de l’Eglise dans les conseils de l’Instruction publique, et menacé par les modifications qu’on projette d’établir dans les examens préparatoires aux carrières libérales et qui pourraient mettre les collèges libres à la merci de leurs concurrens voisins et directs? Dans l’enseignement primaire, la combinaison de l’instruction obligatoire avec la suppression de tout programme religieux opprime, partout où la commune est trop pauvre pour qu’une école libre puisse être fondée, la conscience des pères de famille qui ne veulent pas se fier à une neutralité trompeuse. De plus, l’incapacité spéciale qui exclut de l’enseignement officiel tout ce qui porte une robe ou un habit religieux est une infraction manifeste à l’égale admissibilité aux fonctions publiques, qui est écrite en termes formels dans toutes nos constitutions. A la vérité, si on viole l’égalité en restreignant, pour les religieux ou les prêtres le droit d’enseigner qui doit appartenir à tous, on la rétablit avec un touchant scrupule en leur imposant le service militaire dont, dans un intérêt de morale et de patriotisme, les législateurs précédens, depuis le premier empire, avaient cru devoir les décharger. Ainsi, on les exclut de la profession vers la- quelle leur dévouement les porte et où leur aptitude n’est pas contestée, on les enrôle dans celle qui blesse le plus leur conscience. C’est une manière comme une autre et tout à fait originale de faire compensation.

Mais que dire maintenant de l’invention qui est propre, personnelle au régime nouveau et qui est devenue son instrument de règne favori, la suppression facultative de l’indemnité stipulée par le Concordat, dont la garantie est renouvelée chaque année au vote du budget par un acte législatif? Que dire de cette pénalité imposée tantôt à des princes de l’Eglise, tantôt à d’humbles vicaires de campagne, mais toujours par un acte de bon plaisir ministériel, pour un tort dont l’administration se fait juge elle-même, sans que la gravité ou même la réalité du fait incriminé soit constatée par aucune enquête contradictoire, sans que l’inculpé sur qui le châtiment s’abat soit averti du coup qui le frappe et mis en mesure de présenter sa défense?

La plume, en vérité, tomberait des mains, si on essayait de démontrer une fois de plus que ce droit monstrueux et l’énormité d’une telle infraction aux règles élémentaires du droit pénal ne