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surprenant qu’on ne se soit pas avisé plus tôt de faire un plus fréquent usage. Naguère encore, quand on voulait faire sentir au clergé le dessein de le tenir en dépendance, on disait que les prêtres n’étaient que des fonctionnaires, et nous repoussions avec une certaine indignation cette qualification dédaigneuse, comme indigne de leur ministère. Nous avions tort. Fonctionnaires, plût à Dieu qu’ils le fussent ou que du moins ils fussent traités comme tels, car je ne connais pas de fonctionnaires qui soient privés de leur traitement en restant chargés de leur office, A quel degré de l’échelle faut-il donc descendre pour trouver une assimilation qui réponde à l’idée qu’un préfet de nos jours se croit autorisé à faire d’un ministre de Jésus-Christ? Car la coutume, qui existait autrefois, de punir un valet pris en faute par une retenue sur ses gages n’a plus guère cours aujourd’hui dans nos mœurs ordinaires, et peu de domestiques voudraient entrer en service à de telles conditions.

Il m’est impossible de ne pas voir dans ce post-scriptum ajouté à l’article 15 du Concordat, qui assure un traitement convenable aux évêques et aux curés, l’explication d’une singularité dont autrement j’aurais eu quelque peine à me rendre compte : c’est la suppression, à peu près acceptée d’un commun accord, dans le programme républicain, de ce principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui y figurait, il y a peu de temps encore, en première ligne. On n’en parle plus, vous le savez, du moins dans les régions officielles, et quand ce souvenir importun est rappelé par quelques sectaires ou quelques fanatiques attardés, on l’écarté en renvoyant l’exécution à un ajournement indéfini. En attendant, le budget des cultes dont le sort paraissait menacé chaque année, et dont le montant était réduit avec une parcimonie si jalouse, passe maintenant au Parlement presque sans débat, avec une majorité écrasante. Un très haut personnage se félicitait un jour, devant moi, de cette accalmie subite : il y voyait l’indice d’une tendance à la pacification religieuse commençant à se faire sentir dans une fraction du parti républicain, celle qui détient encore aujourd’hui le pouvoir; c’était, à ses yeux, un indice de cet esprit nouveau dont l’annonce une fois faite à la tribune a été accueillie par quelques catholiques avec une reconnaissance un peu naïve, bien qu’elle rencontrât peu d’échos sur d’autres bancs. Peu s’en fallait même qu’il ne saluât avec complaisance cette première réponse faite par la République à l’appel