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« Chacun murmure, chacun se mal contente, l’air proclame des plaintes contre cette sacrée majesté, l’un dit : Ce prince se perd et nous tous avec lui, il enrichit ses ennemis, et ruine ses sauveteurs ; l’autre dit : Il ne croit aucun conseil, il ne fait rien pour personne, il vaut mieux le desservir que le servir. Allez-vous voir quelque honnête homme en son logis, le premier langage qu’il vous tiendra sera : Je m’en vais de cette cour mal content, il y a si longtemps que je dépense le mien, sans en avoir la moindre récompense, non pas même payement d’une telle partie qui m’est due. Allez par les rues, vous oyez chacun crier : Nous perdons tous les jours, il n’y a que les ligueurs qui gagnent, ils sont remis en leurs charges, on leur donne tous les privilèges et immunités, et les serviteurs du roi sont molestés et oppressés, il n’est que lui faire la guerre. Entrez dans la basse-cour du château, vous entendrez les officiers crier : Il y a vingt-cinq et trente ans que je fais service au roi, sans pouvoir être payé de mes gages, en voilà un qui lui faisait la guerre il n’y a que trois jours ; il vient de recevoir une telle gratification.

« Montez les degrés, entrez jusque dans son antichambre, vous oyez les gentilshommes qui diront : Quelle espérance y a-t-il à servir ce prince ? J’ai mis ma vie tant de fois à son service, je l’ai tant de temps suivi, j’ai été blessé, j’ai été prisonnier, j’ai perdu mon fils, mon frère ou mon parent, au partir de là il ne me connaît plus, il me rabroue si je lui demande la moindre récompense. Entrez jusque dans sa chambre, vous oyrez à deux pas de lui, et jusque derrière sa chaire, des seigneurs de qualité qui diront : Quelle pitié de ce prince ! Cruelle misère de lui faire service ! il m’a refusé ce que le feu roi n’eût pas voulu refuser à un valet ; il n’y a que les larrons qui peuvent gagner à son service, nul n’y peut faire ses afîaires qu’en le dérobant. »

Le sentiment qu’exprime Catherine, quoique pour son compte très désintéressée, était celui de tous les amis d’Henri IV, il lui fait plus d’honneur qu’à eux, Catherine était reçue à la cour, mais le roi était loin de l’aimer.

Un jour, Mme de Rohan s’avançant vers le salon du Louvre : « Prenez garde, dit le roi, aux dames qui l’entouraient, elle va cracher sur vous, ou pour le moins, si elle n’y crache, elle en médira. »

Catherine, bien que respectée et aimée, prêtait à rire par ses distractions. C’est ainsi qu’il faut expliquer un jugement un peu