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FRANÇOIS VIÈTE.

bref porté sur elle par Henri IV et rapporté par Tallemant des Réaux : « Ma tante d’Orléans m’impatiente, disait-il, en faisant la rêveuse et la niaise ! »

Un jour, impatiente de consulter sur une affaire urgente, elle se rend chez Viète, le trouve absent, s’installe à son bureau, écrit de la prose ou des vers, et rêvant à toutes choses, suivant sa coutume, oublie qu’elle n’est pas chez elle. Viète rentre enfin : « Il est tard, lui dit-elle, si vous voulez je vous dirai mon affaire en dînant. » Viète, dont la maison était modeste, envoie chez le rôtisseur, ou au coin de la rue, acheter ce qu’on trouvera de mieux, pour compléter son frugal dîner. Catherine mange avec distraction, s’étonne cependant de la médiocre cuisine et s’écrie : « Je ne sais à quoi a pensé mon maître d’hôtel, mon pauvre ami, je vous fais bien maigre chère ! » Réveillée par le rire de Viète, elle se rappelle que des invités l’attendent à l’hôtel de Rohan, et s’enfuit, laissant Viète moins étonné qu’elle ; il en avait vu bien d’autres. Henri IV, sans doute, appelait cela faire la niaise. Les anecdotes, comme on sait, s’amélioraient en passant par sa bouche.

« Le cours de la vie de Catherine de Parthenay, a écrit son fils, a été un tissu d’afflictions continuelles. » Il exagère, je crois ; mais Catherine participait aux chagrins des autres, et souffrait des malheurs de tous.

Lors du siège de la Rochelle, en 1628, Catherine voulut faire un dernier effort pour le parti dont son fils était le chef et les églises qu’elle avait vu planter à la lumière des bûchers et croître malgré les supplices. Accompagnée de sa fille Anne, elle vint s’enfermer dans cette ville de la Rochelle qui, depuis soixante ans, travaillait à se rendre imprenable. On la réduisit par la plus extrême famine dont l’histoire fasse mention. Les vainqueurs, Descartes était du nombre, y trouvèrent le sépulcre ruiné de quinze mille défenseurs morts de maladie dans les hôpitaux ou tués par la faim dans les rues, sans miséricorde ni secours. Les deux dames de Rohan, dans la crainte qu’on attribuât la reddition à leur persuasion et au respect qu’on avait pour elles, ne voulurent pas être nommées dans la capitulation, croyant néanmoins qu’elles en jouiraient comme les autres.

Le conseil du roi en jugea autrement. « Rigueur hors d’exemple, a écrit son fils, qu’une personne de cette qualité, en l’âge de 70 ans (elle en avait 74), sortant d’un siège où elle et sa fille avaient vécu, trois mois durant, de chair de cheval et de quatre