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son mariage, dont la date approchait et dont les fêtes s’annonçaient comme devant être des plus brillantes.


V

Dès le lendemain de l’arrivée de la princesse de Savoie, Louis XIV, enchanté de la trouver plus avancée en esprit et en sagesse qu’il ne pensait, lui avait promis que son mariage serait célébré aussitôt qu’elle aurait atteint sa douzième année. Elle était née le 6 décembre 1685. La date fixée approchait donc, et depuis deux mois, il n’était bruit à la Cour que des préparatifs du mariage.

On savait que les fêtes seraient magnifiques, et que la cérémonie du mariage serait suivie de deux bals. « Le Roi à son souper, dit Dangeau, témoigna qu’il seroit bien aise qu’il y eût beaucoup d’hommes et de femmes parées pour danser aux bals qu’il y aura après les fêtes de la Princesse. » Il n’en fallut pas davantage pour que chacun rivalisât de prodigalité dans ses ajustemens et, suivant l’expression de Saint-Simon, « pour qu’il ne fût plus question de consulter sa bourse ni son état. » Les boutiques des marchands étaient dévalisées. Tout montait de prix. On s’arrachait les ouvriers. Des dames promirent vingt louis pour avoir un coiffeur pendant une heure, le jour du mariage. Madame la Duchesse alla jusqu’à faire enlever de force les ouvriers qui travaillaient chez la duchesse de Rohan. Mais le Roi le trouva mauvais et les lui fit rendre. Il commençait à être un peu effrayé des dépenses dont les paroles prononcées par lui avaient été l’occasion, et il dit, à plusieurs reprises, qu’il ne comprenait pas « comment il y avait des maris assez fous pour se laisser ruiner par les habits de leurs femmes. » Mais le branle était donné, et il était trop tard. Les gazettes étaient pleines de l’annonce et de la description des toilettes qui seraient portées par les principaux personnages de la Cour. Les plus sages durent se mettre au pas. « Entre Madame de Saint-Simon et moi, dit mélancoliquement Saint-Simon, il nous en coûta vingt mille livres. »

De leur côté, les deux fiancés se préparaient au rôle qu’ils devaient jouer dans ce grand jour. Depuis quelque temps déjà, les visites que le duc de Bourgogne était autorisé à rendre à la Princesse étaient devenues moins sérieuses. On leur avait permis de jouer et de danser ensemble, toujours sous la surveillance de