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objets de bronze, ceux-ci n’ont pas été trouvés en place, dans une tombe vierge ; ils proviennent de fouilles antérieures, de fouilles clandestines ; on ne sait pas de quoi se composait au juste le mobilier dont ils faisaient partie. On est donc en droit de les attribuer à des sépultures qui ne seraient pas des plus anciennes ; il semble que les ensevelissemens aient continué, très tard, dans maints quartiers de ce vaste cimetière. Certains indices donneraient pourtant à penser que ces tribus, tout élémentaire que fût leur vie, avaient déjà quelques rapports, au moins accidentels, avec des peuples plus civilisés. C’est ainsi qu’il a été trouvé à Castelluccio, avec des outils de pierre, tels objets qu’il est difficile déporter au compte de l’industrie locale : nous voulons parler d’os tubulaires dont toute la surface est ornée de dessins qui, par leur composition et par le caractère du travail, paraissent être l’œuvre d’artisans beaucoup plus habiles que ceux auxquels est dû le reste du mobilier funéraire. Le motif principal du décor, c’est une suite de saillies globulaires qui, par l’ovale de leur contour, ne sont pas sans analogie avec le scarabée cher à l’Egypte. De petites étoiles sont gravées sur ces reliefs ; entre ceux-ci, un lacis de losanges remplit le champ. Il y a là des courbes qui ne se montrent point dans l’ornementation de la poterie ; mais ce qui frappe surtout, c’est que toute cette ciselure est exécutée par une main très ferme et très sûre d’elle-même, tandis que, sur les vases, il y a, dans le tracé des lignes, une certaine mollesse ; il est pourtant plus aisé de laisser courir la brosse sur la terre humide que d’entamer à la pointe une matière dure. On n’arrive pas à deviner quel a pu être l’usage de ces pièces ; il n’a pas été retrouvé auprès d’elles d’armes où elles aient pu s’adapter en guise de manches, et d’ailleurs elles ne sont pas percées de trous qui aient servi à les fixer sur une hampe engagée dans la cavité circulaire. D’autre part, c’est à Troie seulement, dans ce que Schliemann appelle la seconde ville, que l’on a rencontré des fragment d’os qui présentent à peu près le même aspect. Quelle explication donner de cette ressemblance ? Le problème demeure donc très obscur, et tout ce que M. Orsi se borne à affirmer, c’est que l’on est là en présence d’objets de luxe, qui ont été fournis par quelque trafiquant étranger ; il faut que, dès cette époque reculée, quelques navires achéens ou phéniciens soient venus aborder, de loin en loin, aux plages de la Sicile.

C’est peut-être un accident de mer, un caprice des vents et