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celles du métal. C’est le cas pour certains grands calices à pied très haut, qui ne sont pas sans élégance. Les types sont plus variés qu’autrefois ; la pâte est mieux préparée et mieux cuite. À plusieurs égards, l’industrie du potier est donc en progrès ; mais le procédé dont elle use pour décorer ses ouvrages n’est plus celui qu’elle avait adopté tout d’abord. Lors de ses débuts, elle s’était servie de la couleur ; vieille de plusieurs siècles, elle en a désappris l’emploi. Dans les vases qui sont contemporains de l’introduction du bronze, tous les ornemens sont incisés dans la pâte ; le fond en est rempli d’une poudre blanchâtre qui en fait ressortir le dessin sur le fond grisâtre de la terre. Ce dessin est surtout géométrique ; il y a pourtant des vases, en très petit nombre, où la pointe s’est essayée à tracer l’image d’un oiseau et même, une fois, la figure humaine. Ailleurs, c’est un motif qui semble inspiré de la hache à double tranchant. On ne saurait donc voir, dans ce retour à la poterie monochrome, la marque d’une décadence ; mais ce n’est pourtant pas sans surprise que l’on constate ce phénomène. Le goût a changé, et la raison de ce changement nous échappe. Peut-être faut-il la chercher dans l’imitation du métal. Le bronze ne connaissait pas la différence des tons ; l’ornementation y était en relief ou en creux, mais toujours exécutée, au moyen du burin et du ciseau, en gravure ou au repoussé.

Cet abandon du pinceau étonne d’autant plus que les importateurs qui fournissaient le bronze aux Sikèles leur envoyaient aussi des vases peints. Dans les nécropoles de cette époque et particulièrement à Thapsos, on trouve mêlés aux produits de la fabrication locale des vases d’une pâte plus fine et plus légère, faits au tour, dont les formes, la glaçure et les dessins sont ceux de la poterie mycénienne. On ne saurait s’y tromper : parmi les types ainsi rencontrés dans ces sépultures, il en est un, celui de l’amphore dite à étrier, qui a été créé par les céramistes mycéniens et qui disparaît avec eux ; partout où il apparaît, on reconnaît leur main ; on a comme leur signature. On se demande comment ces vases, qui semblent avoir été très recherchés par les Sikèles, n’ont pas entretenu ou réveillé chez eux le goût de la décoration polychrome ; c’est à peine si l’on a découvert, à Thapsos, un ou deux vases où l’on sente un effort tenté pour s’inspirer de ces modèles.

La poterie peinte reparaît au contraire, à côté de la poterie à décor incisé, dans ce que M. Orsi appelle la troisième période, avec