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obliques ou droits ; l’aspect est à peu près celui de la partie du mur de Mycènes qui avoisine la Porte aux lions. Même exécution soignée dans les dalles qui ferment l’étroite entrée des hypogées et dans les rainures où elles s’encastrent. Des deux côtés du seuil d’une des sépultures de Thapsos, il y a comme des piliers où s’esquisse la distinction du fût et du chapiteau.

Si l’architecture ne s’est pas développée davantage chez les Sikèles, c’est peut-être parce qu’ils n’ont pas été soumis à l’obligation d’entreprendre, pour protéger leurs demeures, des travaux de défense analogues à ceux dont la nécessité s’est imposée, en Grèce, aux tribus achéennes. Aucun ennemi du dehors ne les menaçait, et chacune de ces petites communautés éparses dans une contrée fertile disposait de plus de terrain qu’elle n’en pouvait cultiver. Tout donne donc à croire que, jusqu’au jour où l’arrivée des Grecs est venue changer les conditions de leur existence, elles ont vécu en paix les unes avec les autres ; il n’a point été trouvé trace d’enceinte fortifiée dans aucun des sites que le voisinage des nécropoles et l’abondance des tessons désignent comme l’emplacement probable d’un ancien village. Aucune de ces bourgades ne renfermait d’ailleurs de trésors qui fussent faits pour exciter les convoitises et provoquer des luttes sanglantes ; il n’a point été trouvé d’or ni d’argent dans les cimetières sikèles. Ce que l’on y a recueilli de moins commun, c’est, dans les sépultures les plus récentes, quelques rares fragmens d’ivoire et aussi quelques verroteries phéniciennes, perles et olives en terre émaillée, scarabées avec hiéroglyphes dépourvus de sens, objets de pacotille que les ateliers de Tyr et de Carthage ont répandus par millions sur toutes les côtes de la Méditerranée. Les Sikèles étaient pauvres. Pasteurs et laboureurs, ils n’avaient rien à offrir aux trafiquant grecs ou sémites qui eût assez de valeur pour que ceux-ci leur livrassent, en échange, les métaux précieux et les bijoux artistement ciselés.

Au terme de cette étude, un dernier effort s’impose : il nous faut essayer d’évaluer la durée de cette histoire que nous avons, dans le silence des textes, cherché à restituer d’après les données que nous fournissait l’examen attentif de la tombe et des monumens qu’elle renfermait. Afin de rattacher à l’histoire générale du monde antique cette histoire particulière, il y a lieu d’établir un synchronisme approximatif pour chacune des trois périodes que nous avons distinguées dans l’ensemble de cette évolution.