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LES FEMMES QUI ENSEIGNENT


I

On raconte, à propos des institutrices, une histoire bien caractéristique, quoique assez impertinente.

Un soir, au Jardin de Paris, une demoiselle de l’endroit, dansant un pas de caractère, tire tout à coup un papier de sa jupe, le déploie au milieu de la danse, l’attache au bout de sa bottine, et l’agite en l’air au bout de son pied. On se précipite, on se bouscule, on se demande quel effet chorégraphique la demoiselle exécute là, et chacun reconnaît dans le papier… Quoi ? Son « brevet supérieur » !

Il ne faut voir, évidemment, dans cette histoire parisienne, qu’une anecdote de fumoir ; mais l’anecdote, paraît-il, n’en contiendrait pas moins sa leçon. Où le brevet, même supérieur, se demande-t-on quelquefois avec ironie, mène-t-il aujourd’hui une femme ? Où n’échoue-t-elle pas avec ? Dans quelles carrières excentriques ne lui arrive-t-il pas de tomber en prenant le chemin de l’enseignement ? Ce sont là des questions auxquelles l’histoire du Jardin de Paris, à ce qu’on assure, ne répondrait pas toujours avec trop d’invraisemblance. L’enseignement séduit beaucoup les jeunes filles, mais ne leur donnerait qu’assez rarement ce qu’elles y cherchent. La fameuse « instruction laïque, gratuite et obligatoire » semble bien constituer un culte, et même un fétichisme, mais ne serait guère au fond qu’un mouvement factice, sans correspondance véritable avec nos vrais besoins