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qu’elles finissent alors, malgré leurs brevets, ailleurs que dans les écoles ?…


II

J’ai visité l’Ecole normale de Sèvres, et nous entrons là dans une élite, dans une catégorie féminine du monde enseignant tout à fait exceptionnelle et restreinte, celle des professeurs. Le professeur a dépassé le brevet supérieur, est monté encore dans la hiérarchie, et se trouve apte à l’enseignement secondaire dans les lycées et les collèges de jeunes filles. Il ne se présente, chaque année, et pour toute la France, qu’une centaine de concurrentes aux certificats d’aptitude à cet enseignement, et l’on n’en reçoit qu’une vingtaine. Pour l’agrégation, le chiffre se réduit encore, et l’on ne crée même plus, je crois bien, des agrégées tous les ans. Si les institutrices sont une foule, les professeurs et les agrégées sont donc une aristocratie, et les annuaires, où l’on voit une armée d’environ 90 000 institutrices de toutes écoles, ne mentionnent guère qu’un petit corps de 250 ou 300 professeurs et agrégées. C’est l’état-major à côté de la troupe, et l’école-mère où il se forme, au moins en majeure partie, est précisément l’Ecole de Sèvres. C’est la rue d’Ulm des jeunes filles.

Fondée depuis dix-huit ans et installée dans l’ancienne manufacture, l’Ecole en occupe les vastes et hautes constructions blanches dont les multitudes de fenêtres s’ouvrent, dans une échappée, sur Paris. Elle pensionne soixante élèves, reçues au concours, obligées de justifier du brevet supérieur ou du certificat de fin d’études secondaires, et les garde trois ans. Elles doivent avoir au moins dix-huit ans, vingt-cinq au plus, et la pension est gratuite, sauf pour quelques étrangères admises par exception, en vertu de protections diplomatiques, et dont l’intrusion est fort mal vue dans l’école. Les études sont sectionnées en quatre spécialités : histoire et géographie, lettres, sciences physiques et naturelles, mathématiques. On choisit, en entrant, l’une ou l’autre de ces sections, et l’on en sort, au bout du temps voulu, avec l’un des certificats d’aptitude correspondans. Les élèves, en général, sont de bonnes familles sans fortune, filles de fonctionnaires, d’officiers, de pasteurs protestans, et naturellement destinées à des situations modestes et distinguées. Les « filles de pasteurs » ont une inclination toute spéciale pour l’établissement, et les protestantes