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la connaissance même des gens qu’elle a vus briller ? Il faudra, évidemment, à l’élève de Fontenay, après ces grandes espérances, ou de grands avantages capables de la satisfaire, ou une grande foi capable de la soutenir : la foi des missionnaires et des sœurs de charité. Mais il ne semble pas, malheureusement, qu’elle ait ni grande foi ni grandes satisfactions ; et l’on ne voit guère de grand pour elle que la chute entre son existence à l’École et celle qui l’attend au dehors, dans la vie scolaire ordinaire. Elle est bien, en général pourvue d’une place, mais toujours modeste, même quand elle paraît ne pas l’être, petitement rétribuée, avec toutes sortes de difficultés pratiques, de broussailles professionnelles, de soucis terre à terre, dans des établissemens dont les sujets sont des paysannes mal dégrossies, toutes destinées qu’elles soient elles-mêmes à faire des institutrices. Et cette maigre situation ne lui est même pas absolument garantie. Vis-à-vis d’elle non plus, l’Etat ne s’engage à rien, et la pauvre fille restera peut-être aussi dans la détresse. Ce ne sont donc pas les satisfactions matérielles ou honorifiques, le gain ou l’agrément qui la satisferont jamais. Est-ce donc alors la foi qui trouve sa récompense en elle-même, qui est sa propre plénitude, et rend heureux au milieu des pires tracas ? Mais où l’aurait-elle apprise, et comment, cette foi, la pratiquerait-elle ? Elle ne pourrait la trouver que dans la religion, et la neutralité religieuse la plus sèche, la plus froide, lui est ordonnée ! Il lui faudrait avoir la résignation d’une carmélite, et tout est mis en œuvre pour lui donner l’ambition d’une individualiste féroce. La novice, au couvent, ne détache pas ses yeux d’un permanent idéal de renoncement et d’au-delà. Mais l’élève de Fontenay ? Comment la prépare-t-on au métier d’abnégation qui devrait être le sien ? Que lui montre-t-on comme symbole et comme idéal ? Que voit-elle autour d’elle, en guise de figures sublimes, excitant au sacrifice ? Partout, sur tous les murs, à tous les tournans de salle, dans tous les corridors, elle voit le portrait de M. Jules Ferry ! Elle ouvre une porte ? Voilà M. Jules Ferry de face. Elle en pousse une seconde ? Voilà M. Jules Ferry de profil. Elle en prend une troisième ? Voilà M. Jules Ferry de trois quarts !

J’assistai, pendant ma visite, à la conférence d’histoire. Le conférencier est M. Melouzay, et rien n’est plus distingué que son cours. Rien de plus attachant non plus que les physionomies des élèves, et leur docilité enfantine à reproduire la parole et les vues du maître, en y mettant déjà un commencement