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son exemple, ce que vaut un bon et savant ouvrier. Jamais même il ne s’est approché plus près de son dernier modèle, de Frans Hals, qu’il ne l’a fait cette année, dans son Porte-Étendard, et dans son Philippe Cluvier. Au premier abord, de loin, on croit apercevoir deux œuvres inédites du maître de Harlem, deux œuvres de son bon temps, de 1630 à 1640, un peu défraîchies, il est vrai, un peu baissées de ton, moins joyeuses et moins vives, mais savamment enlevées, avec les coulées de pâtes et les rehauts opportuns, par sa manœuvre accoutumée. Les têtes sont modernes, sans doute, des têtes connues (le Porte-Étendard est le paysagiste Guillemet), étudiées sur le vif avec une acuité remarquable, mais, en s’affublant de costumes hollandais, voici qu’elles ont pris aussi l’air hollandais, en sorte que tout cet appareil savant, et toute cette incroyable habileté n’aboutissent, en somme, qu’à des pastiches. L’élève, déjà célèbre, de M. Roybet, Mlle Juana Romani, tout en suivant les enseignemens de son maître dans ses figures costumées, Dona Mona et Faustolla da Pistoja, y ajoute, soit dans le caractère et l’expression des têtes, soit dans l’allure ou les ajustemens, une pointe de fantaisie et de liberté qui vivifie son dilettantisme. Toutefois, en fait de portrait ou de représentation de la vie moderne, tout ce qui ne sent pas la vérité immédiate, la réalité franchement interrogée, n’est plus guère de nature à nous séduire sérieusement ; aucun travestissement, aucun costumage historique ou mythologique ne vaut, désormais, la franchise d’une beauté sans déguisement ou l’honnêteté d’une laideur sans hypocrisie. M. Détaille est loin d’avoir, dans sa touche, le brio et l’entrain de M. Roybet ; mais ce qu’il y met de justesse et de sagacité lui appartient, du moins, en propre, et personne n’apporte plus visiblement dans ses analyses de la figure contemporaine cette vieille qualité française qui suffisait aux Clouet, aux Lépicié, aux RBilly, aux Meissonier, la loyauté. La précision des physionomies, la vérité des attitudes, donnent à tous les portraits groupés dans son petit tableau des Funérailles de Pasteur une valeur iconographique et historique qui grandira encore avec le temps ; il suffit d’admirer cette exactitude pour voir ce qui manque à la plupart des grands tableaux officiels, très nombreux dans les deux Salons, où des artistes, jeunes ou vieux, ont voulu grouper des personnages vivans ; la prestesse ou l’aplomb de la facture n’y ont pu remplacer l’autorité et le charme que donne seul le respect consciencieux de la vérité.