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La Confédération livre les spiritueux contre paiement au comptant. Le prix de vente ne peut être moindre de 120 francs ni supérieur à 150 francs par hectolitre d’alcool absolu. Le colportage des spiritueux de tout genre, ainsi que leur commerce en détail dans les établissemens où ce débit n’est pas en connexité naturelle avec la vente des autres articles de commerce est interdit. La vente des spiritueux, en quantité de quarante litres au moins, est une industrie libre (commerce en gros). Le commerce en quantités inférieures à ce chiffre (commerce de détail) se subdivise comme suit : 1° le débit ; 2° la vente en détail à pot renversé. Les autorisations sont accordées par les cantons, qui perçoivent des taxes d’auberge.

La moyenne du rendement net s’est élevée à environ 5 200 000 francs par an, avec une tendance constante à décroître. M. Droz condamne le monopole, introduit dans une intention de protectionnisme agricole ; il ne croit même pas que le maintien de la distillerie indigène ait été une bonne chose. Les frais d’administration sont élevés. Le monopole institue un prix fixe de vente, malgré les fluctuations de la marchandise ; il engendre la « pomme de terre électorale » que les paysans veulent vendre le plus cher, et les distillateurs acheter le meilleur marché possible. La diminution de consommation qu’on observe en Suisse a été obtenue grâce au développement des sociétés de tempérance, que le gouvernement aurait pu soutenir mieux encore s’il n’était pas intéressé au monopole. Il aurait tout avantage à le remplacer par l’imposition. Comme la distillerie indigène, privée de toute autre protection que le droit d’entrée fédéral, disparaîtrait à peu près complètement, le contrôle serait aisé. Aujourd’hui déjà la confédération importe les trois quarts de l’alcool qu’elle revend : ce serait à la frontière que l’impôt de consommation se percevrait en grande partie. En admettant même que la consommation tombât à 70 000 hectolitres, un droit de 120 francs donnerait près de 9 millions, et les frais de l’administration centrale, ainsi que les remboursemens à l’exportation, ne dépasseraient pas 300 000 francs. Il resterait une somme à répartir aux cantons presque double de la recette actuelle.

Si ce monopole subsiste, M. Droz n’y voit qu’un avantage : il servira à dégoûter la Suisse d’en introduire d’autres. Il est d’ailleurs mitigé, puisqu’il se borne à l’achat et à la vente d’une seule espèce d’alcool, celui qui provient de la distillation de matières