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le sache bien, au contraire, le séjour prolongé du président dans le milieu de la Cour d’assises sera d’une importance extrême pour son propre et heureux développement : un petit fait d’expérience nous le prouve chaque jour.

De très modestes fonctionnaires, les commis-greffiers, remplissent durant de longues années leurs fonctions à la Cour d’assises de la Seine ; depuis trente ans, cinq ou six tout au plus se sont succédé dans cette charge. Or ces greffiers, aimés et estimés de tous ceux qui à un titre quelconque (peut-être même au titre d’accusé) ont approché la Cour d’assises, ont rendu et rendent chaque jour des services inappréciables ; ils savent la Cour d’assises, et à ce long exercice, ils sont devenus de plus en plus (je les connais et je le sais) doux, humains, indulgens aux misères. Si la pratique assidue et la connaissance approfondie d’une fonction modeste conduisent à de si heureux résultats, que sera-ce lorsque des hommes considérables, préparés par des années d’expérience et de labeur, se trouveront investis pour une longue période de la présidence d’assises ?

Parmi eux, sans aucun doute, se formeront de ces grands juges criminels, de science vaste et d’esprit élevé, tels que l’Angleterre nous en offre le modèle, et notre démocratie réalisera enfin une des idées les plus justes qui aient été entrevues au Conseil d’État de Napoléon.

Nous supposons donc nos jurés mieux recrutés, notre président d’assises parfaitement choisi et préparé en vue de sa tâche ; un grand pas sans doute aura été fait, mais l’œuvre sera-t-elle accomplie ?

Pas encore.

A quoi servirait en effet de mettre en présence des jurés et des magistrats excellens, si la loi les obligeait toujours, comme elle le fait aujourd’hui, à se cacher les uns des autres, à se mal connaître, à collaborer selon des règles fausses et souvent inapplicables ? C’est donc un des points principaux de ces conclusions que nous abordons maintenant, en étudiant le problème qui consiste à mieux régler à la Cour d’assises les rapports du jury avec le président, le concours des deux magistratures.