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qui leur manque le plus, mais la force de croire et celle de vouloir, la confiance dans la valeur des genres qui leur plaisent, et l’énergie d’y rester fidèles en dépit de la nouveauté, ou de la facilité, ou de l’éclat d’autres genres. Mais, quelles que soient les causes de cette espèce de maladie littéraire, on ne saurait nier son existence, ni sa gravité et l’étendue des dommages qu’elle est en train de causer. N’est-ce pas elle, en effet, qui, contraignant les jeunes écrivains à changer sans cesse de manière, empêche les diverses manières de se développer, de se fixer, et de produire pleinement la somme de beauté dont elles sont capables ? Et les écrivains eux-mêmes, ne les empêche-t-elle pas de réaliser pleinement leur somme de talent, dans cette course fiévreuse où elle les condamne ? Il n’y a pas jusqu’à la connaissance du « métier » dont elle ne les prive, puisqu’à chacun de leurs nouveaux livres les malheureux sont forcés de se créer de toutes pièces un style, une méthode, des procédés absolument nouveaux. Et de fait, le métier s’en va, d’année en année, aussi bien en littérature que dans les autres arts. Jamais peut-être on n’a travaillé davantage, jamais en tout cas on n’a autant « cherché » ; mais, quoi qu’il en soit de la valeur de ce qu’on a trouvé, il est trop certain que la plupart de nos jeunes romanciers ne savent ni composer un roman, ni l’écrire, ni mettre en valeur le sujet ou les épisodes avec la même adresse qu’on le faisait autrefois. On n’a plus le temps d’apprendre, ni de réfléchir, d’acquérir de l’expérience par soi-même ni de profiter de l’expérience acquise par les devanciers. Et que c’est bien là une maladie, et non pas le résultat d’une préoccupation effrénée de la mode, ou de la recherche du succès à tout prix, c’est ce que prouve assez clairement l’exemple de M. Couperus : car on ne saurait imaginer un artiste plus consciencieux, plus désintéressé, plus dédaigneux de la mode, ni qui ait moins besoin de changer de manière pour garder son succès. Et cependant il change de manière sans cesse, il vient d’en changer encore, entraîné par un instinct dont il n’est point maître.


Ce point, au surplus, n’est pas le seul par où son dernier livre ait de quoi nous instruire. Le choix du genre nouveau où il s’est essayé mérite, lui aussi, d’attirer l’attention ; lui aussi a, en quelque sorte, tout l’intérêt d’un signe des temps. Les Métamorphoses sont en effet, plutôt qu’un roman, une autobiographie. L’auteur nous y raconte l’histoire d’un jeune romancier hollandais qui a passé exactement par les mêmes phases que nous savons qu’il a lui-même traversées. Et ce romancier a beau s’appeler Hugo Aylva ; ses livres ont beau avoir