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orange, qui tire l’œil. Sous les corniches, des frises en briques plates, d’émail pareil. Un panonceau de porcelaine azur, fiché à l’auvent, porte sur liston diagonal blanc le nom de chaque villa. Les appellations se ramènent toutes à la même banalité bour- geoise : Bon-Repos, Belle-Vue, Roches-Noires. Cela, sent l’entreprise commerciale, la pauvreté d’imagination du spéculateur en bâiisses. Çà et là, une note plus originale rompt la monotonie. Une véranda hindoue, en bambous couleur cinabre, avec son toit de pagode à moulures d’or enchevêtrées, met un coloris aveuglant parmi des fusées de plantes exotiques. Ce n’est plus alors de Passy que l’on songe, mais, sous ce bleu profond qu’a le ciel, de quelque avenue à l’européenne de Saigon ou de Colombo. Cette portion de la côte bretonne est d’ailleurs épargnée par l’hiver. L’aloès y prospère comme en Provence; un peu plus loin, voici, avec ses allées de gravier fin, ses pelouses tondues à la loupe, une demeure aristo- cratique : la pierre de taille, le perron de marbre, les contrevens ou les volets, tout y est blanc, jusqu’à l’ardoise, à laquelle le ruissellement solaire prête des reflets crayeux.

Vue du large, la Malouine apparaît comme un promontoire boisé, criblant le ciel de ses toits en flèche entre les deux plages sœurs de Dinard et de Saint-Énogat. L’aspect en est élégant et mignard. Le premier rang des villas s’élève presque à pic sur la mer. Des terrasses à balustres couronnent la falaise dans laquelle les pro- priétaires ont taillé rampes et escaliers. En bas, la roche rou- geàtre, mouchetée de goémons, laisse glisser la lame en la bri- sant. L’île Cézembre allonge à l’horizon nord son mur de granit sur un liséré de sable blond.

La villa Maurevoir, devenue la propriété de William Wamont, avait été construite pour le marquis de Maurevoir, ancien ambas- sadeur à Rome, et mise en vente après décès. Elle occupe à peu près exactement l’extrémité de la pointe : mais sa façade s’oriente vers l’est, du côté qui regarde Dinard ville, l’estuairo de la Rance et Saint-Malo. Elle tranche par sa sévérité de bon goût sur les villas du voisinage. De l’avenue Poussineau, on la découvre à peine, tant elle semble bien enfouie sous l’épaisseur des massifs d’arbres. De la mer ou de Saint-Malo, elle se détache en relief, majestueuse et coquette, contre un écran de feuillages. Elle avait plu aussitôt à Hélène et à William, parce qu’elle leur rappelait un peu, par certaines analogies de site ou d’architecture, l’ancienne villa de l’Ile Maurice. Godineau affirma dès la première saison :