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sculpteurs cherchent, dans l’association de matières diverses, des effets de contrastes expressifs ou piquans qui peuvent, en effet, satisfaire les yeux, si ces contrastes sont suffisamment ménagés pour se résoudre en une harmonie totale. Dans ses petits groupes, la Sulamite, en ivoire, sur un trône, se faisant jouer de la harpe par une négresse en bronze accroupie à ses pieds, vêtue de marbre gris, et les Favorites (une blanche odalisque, en marbre blanc, s’étirant dans un fauteuil, tandis que rampe vers elle, demi-assoupie, une panthère en marbre noirâtre), M. Ferrary aborde des difficultés de ce genre ; il les résout avec habileté. Les recherches de M. Rivière sont plus délicates encore, plus personnelles, d’une plus haute portée, car, dans ses petits et curieux ouvrages, la polychromie des matières diverses juxtaposées ou entremêlées devient un moyen d’expression physiologique et psychologique. Dans son groupe de Charles VI et Odette, le visage convulsé du vieux roi en proie à une attaque de folie furieuse est en bronze ainsi que sa lourde houppelande semée de fleurs de lys, tandis que la jolie fille, qui l’arrête et le calme, découpe en un doux ivoire les délicats profils de ses avant-bras et de son fin minois souriant entre les ailes de sa cornette de marbre. La diversité judicieuse des teintes n’est ici qu’un rehaut pour le caractère des types et la signification du mouvement. M. Allouard s’est heureusement inspiré des arts japonais dans son vase décoratif de la Pêche. La vitrine de M. Engrand contient, parmi d’autres fantaisies, un bien joli coffret à bijoux, les Trésors, et un amusant heurtoir (des singes regardant une nymphe qui se balance). On pourrait citer d’autres sculpteurs. — MM. Mercié, Barau, Marioton, Loiseau, Rousseau, Belloc, Vital Cornu, Savine, etc., — qui prêchent aussi d’exemple, et montrent combien la science des formes humaines est utile dans les petites, comme dans les grandes productions.

Les sculpteurs, quoi qu’on en dise, ne sont donc pas plus étrangers que les peintres à ces besoins de renouvellement et ces désirs de transformations sans lesquels la vie de l’art est arrêtée ; ils marchent seulement avec plus de prudence. Nous en avons donné quelques raisons techniques ; il y faut joindre la dépendance, beaucoup plus grande, dans laquelle ils se trouvent vis-à-vis des gouvernemens, municipalités, associations ou particuliers dont l’appui leur est indispensable pour l’entreprise de travaux longs et dispendieux et dont le goût, d’ordinaire, s’en tient aux formules consacrées. Le plus souvent, le cadre de leurs figures