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fort et plus serré que le même sujet traité autrefois par M. Bordes, est un des meilleurs morceaux de peinture plébéienne qu’on ait vus cette année. Il faut que chacun boive dans son verre. M. David-Nillet a donc bien fait de laisser à son maître son verre dont il se sert si bien, mais où d’autres se briseraient les dents. M. Lhermitte, lui, cette année, a trois tableaux, toujours exécutés dans les tons gris, par ce procédé de pointillage dont le plus grand charme est sans doute, pour ce crayonneur admirable, de lui rappeler le grain du papier sous le fusain. Quel autre on tirerait les mêmes effets ? Dans la Fenaison, c’est un effet léger et printanier de lumière fraîche et jeune, autour des gerbes vertes et des faneuses souriantes ; dans la Fin de la journée, c’est un effet, plus compliqué, d’ombres plus intenses et de lueurs plus chaudes, au milieu des bâtimens d’une ferme, dans une avant-cour où un couple d’ouvriers, assis sur l’herbe, cause avec une moissonneuse qui passe, tandis que les bestiaux harassés rentrent aussi lentement, dans le lointain, vers l’étable. On peut rapprocher de M. Lhermitte, M. Adolphe Binet, qui opère dans la banlieue de Paris avec un sentiment plus parisien.

M. Lomont, le bon peintre d’intérieurs, s’affermit aussi dans sa façon de voir et, pour échapper aux entraînemens de l’a peu près, M. Emile Boulard ne craint pas de renouveler, devant les maîtres hollandais, les expériences déjà faites par quelques romantiques du bon temps, notamment par son père ; quelques-unes de ses études, bien pensées, bien éclairées, très justes d’expression dans les figures, n’ont qu’un défaut, celui de dater et de dater d’autrefois. La méthode, toutefois, est bonne et lui servira. Les effets que recherche M. Boulard sont ceux qu’aimaient les Hollandais, des effets intimes et concentrés. Il va sans dire que la fréquentation des pays très ensoleillés, de l’Espagne, de l’Afrique, de l’Orient pousse à des effets tout contraires, et nous voyons bien, par ceux qui les fréquentent, combien il est difficile, à certaines heures, d’y voir autre chose que du papillotement et de l’aveuglement. Quand ce papillotement est joyeux, quand cet aveuglement est triomphant, c’est fort bien. C’est en Orient, en effet, que, depuis plus d’un demi-siècle, quand nous sommes fatigués de l’ombre et lassés du gris, nos peintres vont raviver leurs boîtes à couleurs. Les scènes africaines de M. Dinet, si hardies en gestes, en physionomies, en couleurs, dont quelques morceaux sont menés avec un rare entrain d’artiste vraiment complet, la