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égards, connu de l’Europe, et qui a fait ses preuves de capacité politique et administrative. Ce choix ne pouvait soulever aucune objection, et il n’en a soulevé, en effet, de la part de personne, sauf de la part de M. Droz lui-même qui a demandé à réfléchir. Rien n’était plus naturel, ni plus légitime. Toutefois, après avoir réfléchi, M. Droz a donné une réponse affirmative, bien que provisoire encore : il veut évidemment se rendre compte des conditions dans lesquelles son gouvernement devra fonctionner, et du concours matériel et moral qu’il rencontrera en Europe. Certaines questions, en effet, doivent être résolues avant que le futur gouverneur aille rejoindre son poste de la Canée ; mais il y en a bien davantage qui ne peuvent être résolues que sur place, et le gouverneur, que ce soit M. Numa Droz ou un autre, devra emporter avec lui une bonne dose de confiance et de courage. Nous souhaitons que l’acceptation de M. Droz devienne définitive, et que, pour une première fois, on essaie d’un simple citoyen dans une de ces situations qui étaient réservées jusqu’ici à quelque personnage que sa naissance rendait plus décoratif. La Suisse, pays neutre, semblait particulièrement destinée à fournir l’homme dont on avait besoin pour exercer en Crète une sorte de magistrature arbitrale. Le peu d’importance relative et la situation géographique de son territoire ne sauraient faire, ou même laisser naître aucune susceptibilité, non plus qu’aucune crainte. Sa neutralité peut servir d’exemple. Les qualités de ses habitans sont une garantie. La désignation de M. Droz, très honorable pour lui, l’est aussi pour la Suisse, et peut-être n’use-t-on pas assez des petits pays neutres, pour aider au dénouement des crises, où le conflit des grandes puissances introduit parfois des complications en rapport avec leur grandeur. Pour tous ces motifs, le choix de M. Droz nous paraît heureux. Mais c’est déjà quelque chose qu’on ait posé sa candidature : cela prouve qu’on s’est mis enfin à chercher un gouverneur, et qu’on est peut-être sur le point de le trouver. Le plus tôt sera le mieux. Malgré des lenteurs et des retards difficiles à comprendre, il semble que, sur le continent européen aussi bien qu’en Crète, l’action des puissances et la bonne volonté de la Porte soient enfin sur le point d’amener les solutions depuis longtemps poursuivies. Que de malheurs on aurait évités si elles s’étaient produites plus tôt !


Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
F. Brunetière.