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Metternich intervient et enchevêtre tout pour tout retarder. Il entame la négociation par des puérilités ; il la prolonge par des chicanes. Mais il ne peut durer longtemps à ce jeu. Le Directoire l’avait prévu, et Bonaparte a pris ses précautions.

Le 7 décembre, Lehrbach, l’un des envoyés de l’Empereur, annonce à Albini que les troupes autrichiennes vont évacuer Mayence. La nouvelle se répand aussitôt. L’Empire est livré par l’Empereur ! Qui pourra désormais parler de l’intégrité de l’Allemagne ! Tout le monde s’indigne de la trahison de l’Autriche ; tout le monde l’accuse d’avoir fait un marché ; et chacun, en se plaignant d’être pris à l’improviste, se met en mesure de faire comme l’Empereur et de réparer le temps perdu. On en a fini de disputer sur les mots. Abandonné par la Prusse, qui s’est assuré son lot à Baie, tout le monde le sait, et par l’Autriche, qui s’est assuré le sien à Campo-Formio, personne n’en doute plus, l’Empire n’a plus qu’à se dévorer soi-même, à faire le lot de la République et à se partager le reste.

C’est alors seulement qu’arrivèrent les envoyés prussiens. Ils ont, depuis le 16 novembre, un nouveau roi, Frédéric-Guillaume III ; mais ils n’ont point changé de politique : neutralité lucrative est toujours leur maxime. Ils ne s’allieront pas à la République pour l’aider à dépouiller l’Empire ; mais si l’Empire est disposé à se dépouiller, ils s’y prêteront et demanderont, en retour, à la République une part d’associé avec le traitement de la monarchie la plus favorisée. Le ministre prussien Gœrtz, Saxon d’origine, ayant passé par la cour de Weimar, cultivé, poli, formaliste, touchant la soixantaine, poudré à blanc, diplomate dans l’âme et diplomate de bonnes façons, rencontre Treilhard, le 17 décembre. Il fait l’empressé, fort curieux d’ailleurs, comme tous ses collègues, d’arracher quelques lambeaux des secrets de Campo-Formio. On cause ; naturellement, le propos tourne aux arrondissemens, et, par nécessité logique, aux démembremens. — On parle beaucoup de la Bavière, insinue Gœrtz, est-ce donc elle qui sera dépouillée ? Les Prussiens le déploreraient, en fait, en droit, pour l’honneur, pour la paix de l’Empire. — « Mais enfin, dit Treilhard, si cela était fait, ce que je n’avoue pas, il faudrait cependant bien en prendre son parti. » C’est ce parti que prend le Prussien, après un instant de réflexion, dernier et silencieux hommage à la constitution de l’Empire : « Si cela était fait, dit-il, il n’y aurait pas de remède, et certainement la Prusse ne