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l’accompagner. Ils lui ont été fidèles et je les en remercie de tout mon cœur. Mais comment exprimer nos sentimens à M. Billot et à M. Cambon, nos ambassadeurs, qui, de Rome et de Constantinople, avec une sollicitude infatigable, assurèrent à notre voyageur la sécurité et la possibilité d’exécuter ses travaux. Qu’ils reçoivent ici le témoignage de notre profonde reconnaissance. Au mois d’avril 1895, M. Bertone partit d’enthousiasme, sans même attendre la lettre vizirielle indispensable ; il ne la trouva qu’à Damas.

Je le vois encore quittant l’Académie, plein d’impatience, ayant le regard d’un homme devenu étranger à ce qui l’entoure, attiré par l’inconnu dont il pressentait les merveilles, ému et ne voulant pas s’attendrir, agité, ayant déjà quitté terre et déjà prêt à tout. Il me quitta en hâte : Adieu ! ! Adieu, mon ami, adieu !


IV

C’est toujours une affaire compliquée de partir en caravane. Les prévisions auxquelles le voyageur doit satisfaire pour assurer sa marche sont nombreuses et veulent qu’on y porte une extrême attention. Et combien ne se multiplient-elles pas quand il faut pourvoir aux préparatifs spéciaux que nécessite un travail comme celui que le jeune architecte allait entreprendre !

Son premier soin fut de faire construire des échelles pouvant se greffer les unes sur les autres et atteindre à une hauteur considérable. Assemblées, elles étaient très solides et arrivaient, en s’appuyant les unes sur les autres par le sommet, à former une sorte de pyramide rendue rigide par des traverses qui assuraient leur écart. Elles étaient posées sur des roues basses et au moyen de câbles on les faisait mouvoir sur des planchers. C’étaient, avec des dimensions très grandes et plus de résistance, ces échelles doubles chez nous faciles à établir. Mais à Damas, ce fut un long travail, et il fallut, après qu’elles eurent été préparées, s’assurer de la possibilité de les monter et de les démonter, de les dresser et de les mettre en mouvement. Il y eut des répétitions. Chacune de ces échelles avait 7 mètres debout, et quand elles étaient réunies par quatre de chaque côté, et posées sur leurs rouleaux, elles s’élevaient, en tenant compte de leur inclinaison, à 24m, 60. Alors il ne fallait pas moins de 20 à 25 personnes pour les manœuvrer. Tout ceci étant bien réglé, on dut, pour les besoins du transport, trouver des animaux de bât et de trait et en même temps recruter des